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Copyleft : Bernard CHAMPION
1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie
8- Sur l’innovation : 9
9- La “culture des analgésiques” et l’individualisme
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures
19- Enquête sur la forme humaine : 1
20- Enquête sur la forme humaine : 2
21- Enquête sur la forme humaine : 3
22- Quelques exercices de Travaux Pratiques
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SOMMAIRE

anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures


III - 8.91
L'invention est un jeu d'enfant (2) :
Images d'une révolution technologique (1968-1986)


S'il est un fait qui distingue les sociétés que l'ethnologie étudie et les sociétés libérales, c'est bien la place qu'elles donnent respectivement au “jeune” et au “vieux”. Ce dernier mot étant euphémisé dans nos sociétés (c'est la “troisième jeunesse” : Seniors de demain : la troisième jeunesse, Troisième jeunesse : Premier Forum des 50 ans et plus annoncent des sites internet) et valorisé dans les sociétés traditionnelles.

La communication portera sur des représentations du “jeune”, des années 68 aux années 80 (affiches, slogans, publicités, dessins humoristiques, œuvres d'art…), qui accusent ce renversement. Elle posera la question du sens sociétal de cette “révolution” et de ses conséquences juridiques et anthropologiques.

Dans le prolongement d'idées partagées, elle tentera d'exposer comment ce renversement (qui n'est pas absolument nouveau, puisqu'on entend cet écho de la démission de l'adulte devant le jeune dans nombre de sociétés anciennes - dans la République (VIII, 563 a - 563 b) de Platon par ex.) change de nature avec l'avènement de la société technicienne. Alors que les doléances des aînés devant la démission des éducateurs font partie du classique “conflit des générations”, il s'agit d'expliquer ce qui rend cette antienne significative.


(”Baby Power”, pochoir, rue Mouffetard, Paris, 1984.)


(“Nous sommes si jeunes...”, pochoir, rue de Turbigo, Paris,1984)

Sociologie de la “crise” :
La “crise”, qui paraît avoir commencé avec les “événements” de mai 68, est une révolte contre les vieux engrenages,


(affiche de mai 68)

une mise en question - qui prépare la désindustrialisation des décennies à venir - de l'usine, de l'association clé-à-molette-capital qui condamne l'ouvrier à ”boulonner”, une révolution technologique :



(Général De Gaulle, affiche de mai 68)

Cette révolte anticipe une usine-bureau-d'études où l'ordinateur remplace la machine-outil et le “col blanc” le bleu de travail et la blouse grise. Où c'est l'intelligence qui assure la production des richesses : entre 1978 et 1985 la France perdra un tiers de ses emplois industriels.


(Dôme de la Sorbonne, (affiche de mai 68)

Ce qui s'exprime dans ces proclamations, ce n'est pas seulement l'espoir d'une vie meilleure, c'est donc aussi la fin de la ”chaîne” et de ses “cadences infernales” :


(affiche de mai 68

Avec les lettres de l'oppression patronale, les ouvriers de chez BERLIET écrivent le slogan de ce rêve : LIBERTÉ.


(18 mai 1968 à Lyon : une porte de l'usine Berliet)

Le jeune, drapeau de l'innovation :
Une révolution technologique, dont le jeune est le vecteur et le symbole, est en marche.


(“Taillé pour l'aventure”, Gérard Beaulet, 1983.)

Si la jeunesse est le drapeau de cette “révolution”, c'est que son moment propre est la néoténie, la capacité à apprendre et que le progrès a précisément pour moteur ce renouvellement technique sans fin dont l'empirique loi de Moore, énoncée en 1965 (doublement de la capacité des micro-processeurs tous les dix-huit mois), est le symbole.

"La compagnie japonaise Hitachi a envoyé récemment une lettre à ses employés de Hirwain, au Pays de Galles, incitant au départ volontaire ceux qui ont plus de... trente-cinq ans. Inquiète de l'âge moyen de son personnel qui atteint... quarante ans, Hitachi explique que les "vieux" sont plus souvent malades, qu'ils sont lents, qu'ils ont perdu de l'acuité visuelle et qu'ils résistent davantage aux changements. Voilà qui expliquerait, en partie du moins, les pertes régulières de cette usine de téléviseurs, selon la compagnie nippone. Hitachi propose donc une prime de départ de 1.800 livres aux salariés de plus de trente-cinq ans qui cèdent leur place à des adolescents de seize ans juste sortis des classes." (Le Monde du 12 décembre 1984)

Dans un environnement concurrentiel animé par une course au profit dont nerf est la performance technique, c'est la capacité à innover et à s'adapter à l'innovation qui fait la différence. La virginité et la prolifération de ses connexions neuronales fait du jeune l'agent de cette ingénierie sociale. (Quand, par opposition et proverbialement, c'est le conservatisme et l'ossification qui caractérisent le vieux… )

L'écologie de la réussite sociale met en vedette une dyade dont l'individu est le référent : le profit et l'invention qui nourrissent l'épopée d'aujourd'hui et dont le jeune est le héros. Ces deux données (invention et profit) se rencontrent dans la figure de l'ingénieur qui crée un empire à partir de rien. Howard Hugues, inventeur génial et fou et Bill Gates, supposé frappé du syndrome d'Asperger, pourraient symboliser cette aventure où l'innovation et l'ambition (ou la mégalomanie) font la différence. Dans la généralité des sociétés, ce profil humain représente l'asocial par excellence. Mais, quand des gamins pénètrent les ordinateurs du Pentagone où répandent des virus du type “I love you”, la société crie au “petit génie” - tout en condamnant - celui “qui promet” et qui porte, en réalité, l'espoir d'un avenir maîtrisé.

Il résulte de cette révolution productive et de sa nécessité un certain nombre de valeurs et de slogans que l'art sert ou met en évidence :
- Une réforme de l'éducation : une éducation non coercitive qui doit favoriser l'“épanouissement” :



“We don't need no education…”
(Pink Floyd : The Wall)

- Une révolution dans l'art : la “musique jeune”, par exemple, rompt avec les formes académiques ou populaires - adultes - de la création musicale.
- Une valorisation de la jeunesse qui se développe dans une relation spéculaire productrice d'“idoles” “autolâtres” (“Moi je copie sur eux ; eux copient sur moi” déclare le chanteur du groupe Téléphone - 1976-1986).
- Un radicalisme politique (“Réforme = Chloroforme” proclame une affiche de 68 ; “Élections : piège à cons” ; “Votez toujours, je ferai le reste”…) qui s'exprimera dans la constitution de groupes “révolutionnaires”, type “Action directe” (1979 -1987).
- La production d'une morale sans rivage qui assimile la différence et où la morale s'administre dans l'euphorie d'une musique éducatrice (une morale sans penser à bien) :



(15 juin 1985)


(21 Juin 1986)

- Une neutralisation des genres : le culte de l'immaturité (Gombrowicz) et du virtuel fait de l'"orientation" le fondement de l'état civil, une sorte de troisième genre qui définit l'identité sexuelle sous les espèces du libre arbitre.

Conclusion :
Le mode d'être du progrès technique, qui met la programmation de l'innovation au cœur de la reprogrammation sociale, renverse idéalement l'ordre des générations. Une propriété technique de l'économie cérébrale du jeune engage une révolution sociétale qui bouleverse largement l'ordre des valeurs. Le patronage de l'invention et du non advenu défiant, par définition, directive et prévision, le jeune - le libre, l'incréé, l'immatériel, l'immature, l'innovateur virtuel - est devenu la figure phare d'homo liberalis liberalis.

Plan du chapitre :

III - 8.1 Introduction
III - 8.2 Maîtrise technique et maîtrise politique : l’assimilation
III - 8.3 “Levi’s, Lacoste, Lénine” : la dialectique des “3 L”
III - 8.4 Le retournement : les limites de la foi
III - 8.5 Malaise civilisateur, aise de l’homme sauvage : la subjectivité de l’homme objectif
III - 8.6 Une aptitude néo-corticale à créer un monde hors du monde
III - 8.7 L’original et son cadre
III - 8.8 Renoncer à la vérité
III - 8.9 L’invention est un jeu d’enfant
III - 8.10 “Il y a de la superstition à ne pas croire à la superstition”
III - 8.11 Leçon de l’objectivité
III - 8.12 La découverte de l’autre homme
III - 8.15 Que signifie "Porter la bonne parole" ?






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