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présentation générale du site

3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après
2- Barreaux (en construction)
architecture créole
3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)
4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles
dans la mondialisation (dossier pédagogique)
5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)
6- Ethnographie d'une institution postcoloniale :
Contribution à l'histoire de l'université de la Réunion (1991-2003)
7- Le grand Pan est-il mort ? :
hindouisme réunionnais, panthéisme, polythéisme et christianisme
8 - "La 'foi du souvenir' :
un modèle de la recherche identitaire en milieu créole ?
9 - Les Compagnies des Indes et l'île de La Réunion




Une présentation raisonnée des pages WEB qui composent ce site
sous forme d’un ouvrage électronique téléchargeable
sur la page d'accueil
(2 Go, 1900 pages au format A4)
voir
SOMMAIRE


anthropologieenligne.com : unité de l’homme et diversité des cultures


"Le grand Pan est-il mort ?"

note sur le sacrifice animal dans l'hindouisme réunionnais :
panthéisme, polythéisme et christianisme...

(page en cours)
(Éléments à développer ; notes et documents)

(suite...)


Panthéisme, polythéisme et croyance au "mal"

"Avec ce mot nature on a tout perdu"
(François-René de Chateaubriand,
Atala, 1801)

Le "rationalisme" qu'enseigne l'école républicaine exprime une conception du monde
Souvenir de classe (je ne sais si la citation est fidèle de cette objurgation adressée aux bûcherons de la forêt de Gâtine – à vérifier...) :
Ecoute bûcheron, arrête un peu le bras
Ce ne sont pas des arbres que tu jettes à bas...
Ne vois tu pas le sang lequel degoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce...

Maindron
Dans l'Inde du sud, le Coromandel, 1907, Kailash éditions, Paris (rééd. 1992).

"La vierge miraculeuse de Lourdes possède une chapelle à Pondichéry, et le dévots les plus empressés à offrir des cierges ne sont pas toujours les chrétiens. Les femmes hindoues des diverses castes y font aussi brûler des cierges et adressent leurs vœux à la grande déesse des chrétiens. Dans l'église de la mission, toujours à Pondichéry, on peut voir une statue de saint Michel. L'archange foule aux pieds le dragon sous les espèces d'un homme noir, muni d'une queue de serpent qui se termine en dard, et portant sur son front le nâman, le signe procréateur, le symbole de Vishnou, objet de l'exécration des missionnaires. Ainsi ont-ils imposé l'image du christianisme conculquant l'hindouisme dans ce qu'il a de plus hideux. Les chrétiens brûlent devant saint Michel des bougies sans nombre ; les brahmanistes ne se font faute de les imiter. Mais leurs dévotions s'adressent au démon qui porte l'insigne de Vishnou. Ainsi s'établit une tolérance réciproque qui s'achemine, peut-être, vers un syncrétisme indo-chrétien tout pratique." (I, p. 128-129)

Ulysse cafre,
Marius-Ary Leblond
Les Éditions de France, Paris, 1924
L'édition Mame, Tours, avec la mention « dépôt légal antérieur à 1940 » ne reproduit pas la page en cause.

"Et, par Dieu !... Ce que le Père Vaysseaux chassait, c'était la Sorcellerie [..]
Mais comment, mais pourquoi une dizaine d'années auparavant, Père des Vaysseaux s'était soudain mis à pourchasser les sorciers, voilà ce qu'on avait pas réussi à percer… Quelques-uns seulement l'avaient noté : cette sorte de « seconde vocation » semblait dater du jour où, au pied de l'échafaud, il avait reçu la confession d'un noir qui n'avait pas voulu parler devant ses juges…
A partir de ce jour, indéniablement, il avait commencé sa croisade… En quoi faisant ?
D'abord en chassant de l'Église même tout ce qui pouvait, par l'équivoque, y flatter et développer la croyance satanique en les sorciers à laquelle leur imagination de races séculairement asservies n'incline que trop Africains et Asiatiques. Son prédécesseur, Savoyard, fou des abeilles, pour qu'on le laissât en paix, afin de terroriser d'un coup la masse de son troupeau bigarré, avait eu l'inspiration de peindre sur les deux nefs latérales les scènes les plus horrifiantes de l'Enfer. Autour d'une colossale marmite, se tordaient pêle-mêle dans les flammes Blancs et Noirs qui, chacun portaient inscrit sur sa poitrine le nom des Péchés Capitaux. Au-dessus, Satan, assis dans le vide, les jambes croisées, cornu, prunelle en feu, brandissait une gigantesque fourchette. Et pour donner aux pécheurs le frisson de l'Eternité dans les Supplices, en sa gueule large ouverte, le curé avait niché une horloge dont le tic-tac emplissait l'église de son implacable et minutieuse comptabilité : « Écoutez ! Ecoutez ! hurlait-il en chaire, voilà le bruit du Temps dans l'Enfer sans fin ! Koutouque ! Koutouque !... Nampoulouke ! » Devant de tels tableaux, après de tels prônes, comment s'étonner que les fidèles de « la meilleure volonté » parmi les Indiens et les Cafres confondissent encore naïvement la Maison de Dieu ainsi peinturlurée de diables avec le temple des Malabares lui aussi peinturluré de monstres ?... En conséquence, le Père des Vaysseaux, endossant la blouse des peintres, badigeonna de lait de chaux les parois entachées ; tout l'espace occupé par l'Enfer et ses flammes, il le couvrit du plus beau bleu du ciel. Et là où transparaissaient encore les yeux des « Possédés », il peignit des étoiles…
[…] Et ce fut de la chaire comme du confessionnal ! Père des Vaysseaux en fit une sorte d'échafaud théologal d'où il exécutait, publiquement, toutes les fausses croyances, toutes les honteuses pratiques qu'il avait pu débusquer…
[…] Ce n'est pas seulement Dieu et la grande patrie céleste que vous trahissez ainsi, mais la France et notre petite patrie terrestre : cette île que nos ancêtres ont eu tant de peine à coloniser, à civiliser, luttant à la fois pour défendre leur descendance contre les autres races, leurs cultures contre les cyclones !... […] Voyez donc comme le mal a rampé : partie de la case de ceux que nous appelons nos Noirs, la Sorcellerie a grimpé jusque dans vos belles maisons. Je le sais ! Je le sais !" (pp. 124-127)

Les Sortilèges
Marius-Ary Leblond
Fasquelle, 1905
["Recueil de “quatre petits romans” explique la préface : parce qu’“il ne fallait pas mettre en contact, dans les entrelacements d’une intrigue unique ces humanités qui, sous l’apparence d’une existence collective, gardent de l’univers, dans le mystère de leur mutisme un sens différent. A chacun venait le roman spécial à sa destinée sous la langueur d’un même ciel indonésien”. Chaque "race" est associée à un végétal, "naturalisée", l'Indien l'est au mouroung,
Moringa oleifera. La nouvelle consacrée à l'"Indien" est intitulée "Moutousami".]

"La semaine qui suit le 1er janvier réserve aux Indiens cinq jours de vacances qu'ils enguirlandent de réjouissances et de fêtes religieuses. (40-41) "Pongol" : "c'est le nom donné à cette semaine de réjouissances." (41)

"Le char était haut par la campagne, dôme de toile blanche bordée d'andrinople [rouge d'andrinople] et constellée de papier violet, pagode nomade montée sur une plate-forme de bois [...] Une grosse boule de cuivre rouge en décorait le somme. Aux deux côtés de la plate-forme s'effeuillaient quatre bouquets de bananiers coupé au tronc [...] Telle qu'un œil de cyclope, une ouverture étincelante perçait le dôme blanc : c'était l'entrée de la chapelle ambulante. Des huiles s'y enflammaient dans des plats de cuivre ; et à travers un voile de fumées aromatiques apparaissait le Dieu, idole de bois doré écaillé de vert; planté au fond du char; rigide et hérissé comme un crocodile. Sa tête plate se renversait sur des tentures rouges. Le mouvements de la lumière animaient les gestes de son immobilité. Ses yeux d'émeraude regardaient la route." "Quatre mules trainaient le char aux roues massives, qu'achevaient de tirer des Indiens, attelés à une corde, dans l'entrain résigné des besognes journalières qui les alignent à la file, aussi pressés que les bananes sur la hampe du régime. Pieds jeunes capricieux et mollets desséchés s'emmêlaient dans la poussière. Et les tambours cadençaient l'antique Adingding... cading qui donne un mouvement rythmique aux jambes indiennes. Armés de baguettes dont ils frappaient la peau de lapin tendue sur le cercle mince, les musiciens précédaient ; et leur musique traînait, aussi longue que le cortège d'hommes. [...] Cependant le char s'arrête en face des boutiques indigènes. Les tambourineurs, contre les murs, allument de vastes feux ; ils y chauffent, à croppetons, la peau de leur instrument afin qu'il soit plus sonore. Et le propriétaire de chaque boutique porte au grand-prêtre assis, tête nue, devant la chapelle, un plateau de cuivre chargé d'offrandes au Dieu. L'officiant se lève, les genoux rapprochés, prend des cocos ras comme des crânes d'Indiens ; violemment, il les jette par terre, d'un geste qui brise pour semer et partager. La foule se bouscule : car c'est un signe heureux de réussir à enlever un morceau de la blanche noix ; l'on se bat pour la chair immaculée du fruit natal [...] Et le grand-prêtre verse sur la masse mêlée des vases d'eau de safran sous laquelle on se débat, chemises et vestes jaunies. La cloche sonne dans la chapelle illuminée, et le char s'ébranle lourdement pami l'odeur de condiments et d'essence de laurier." (pp. 42-46)

La marche sur le feu

"Au devant, dans un bassin rougissent des braises. Le feu y est entretenu depuis midi : la vapeur fait onduler l'air, déborde sur les gens en cercle. Douze Indiens, étiques et dociles, attendent, ceints d'un pagne blanc. Les grosses bûches enflammées de la surface sont rejetées sur les bords ; et le premier Indien, grand, élancé, descend impassible dans la fosse ; nu-pieds, il traverse le jardin fleuri de braise, et tandis qu'on guette sur son visage une trace de douleur ou de crainte, il marche comme sur du gazon... Les autres le suivent un à un, avançant selon le rite, à pas courts et lents. Certains tiennent même sur leurs épaules, et accroché au cou, un enfant en boule. Des vipères de flammes s'enlacent aux anneaux des chevilles et chatoient sur les braises interminablement. Pour que le miracle s'accomplisse, pas un ne doit ressentir la morsure d'un tison. Celui-là n'a pas l'âme nette et agréable au dieu qui souffre du passage dans le feu.
Les Indiens sont fiers du miracle de la marche ardente ; ils se plaisent à cacher au profane les mortfications par lesquelles doivent passer pendant trois semaines ceux qui se soumettent à l'épreuve. Retranchés dans leur secret national, ils savourent l'illusion de dominer un instant les races pâles, en même temps que la cérémonie édifie les croyants." (48-49)
"Moutou rentre dans la foule, affairé de piété parce qu'approche l'instant du sacrifice. Devant la fosse dont la chaleur décroît, tête nue, l'exécuteur se dresse avec la spontanéité surprenante des tailles indiennes, dans le relief de sa gravité sacerdotale. Les fidèles s'empressent, traînant les victimes : des cabris qui reculent, consultant les hommes de leurs yeux voilés. On les enhardit par l'appât de touffes de fin mimosa et, tandis que les cous s'allongent, élastiques, s'abat le coutelas : corps qui recule et qui s'affale ici, tête sanglante qui saute là. D'autres bête suivent ; un seul coup suffit à trancher les collets grêles. Parfois il faut que la lame répète le coup, hachant la chair. C'est mauvais signe : une superstition possède alors l'âme effarée de la présence farouche du Dieu. La vue du sang exalte le cœur des Indiens, race héréditairement vêtue de pourpre. En même temps le monceau de bêtes immolées flatte leur piété aryenne de la bête innocente et domestique." (51-52)

"Maria, beau pied de mouroung en fleur devant la vieillesse de la paillotte." (47) "Il y a au moins un pied de mouroung par case de Malabare." (76) "Il ne faut prendre les feuilles que d'un côté, laisser de l'autre toutes les feuilles pour que toutes les fleurs donnent après elles de longues gousses pendantes qu'on suce en cari massalé... " (76)

Moringa oleifera

Qu'est-ce qui distingue donc radicalement la croyance chrétienne de la croyance hindoue ?

Au plan de la religion populaire, bien peu, comme le montrent le culte mixte de Saint-Expédit ou le culte, mixte lui aussi, de Marie, assimilée à Mariamen...Une religion des saints (comme le remarque Challe, cit. supra). Si l'on parle de religion populaire, et non de dogmes, il n'y a pas de contradiction majeure entre hindouisme et christianisme. Au plan philosophique, de même, on trouvera sans difficulté des convergences (c'est l'hindouisme des textes reçu et discuté par les philosophes européens depuis Anquetil-Duperron).

On voit aux trois extraits cités (le double culte de la Vierge à Pondichéry, la religion "sorcellaire" avec son pandémonium illustré par le prédécesseur du P. des Vaysseaux d'Ulysse cafre sur les murs de l'église, les sacrifices sanglants aux entités qui disposent de la fortune et de l'infortune des hommes de la marche sur le feu...) qu'au plan théologique, la divergence tient dans l'opposition entre le monisme du christianisme et le dualisme (une forme de manichéisme) de l'hindouisme, tel qu'il ressort du panthéon indien si étrange à la foi chrétienne orthodoxe  pour laquelle l'origine du mal n'est que la défaillance du bien. Dans le dogme chrétien, en effet, le mal n'est pas une substance, mais une volonté qui s'éloigne de ce qui est bien (Augustin). Dieu est Un et triomphe du mal, tandis que la conception manichéenne fait du mal un principe autonome et irréductible – ce qui caractérise, aussi, la "religion populaire". "Chaque créature a ses caractères propres avec ses qualités et ses excellences, explique Bossuet... Mais Dieu étant une lumière infinie, il ramasse en l'unité simple et indivisible de son essence toutes ces diverses perfections qui sont dispersées deçà et delà dans le monde... J'admire dans les anges damnés les marques de la puissance et de la libéralité de notre Dieu... Mais il s'élève ici une grande difficulté. Hélas ! comment s'est-il pu faire que des créatures si excellentes se soient révoltées contre Dieu ?... Les fous marcionites, et les manichéens encore plus insensés, émus de cette difficulté, ont cru que les démons étaient méchants par nature : ils n'ont pu se persuader que s'ils eussent jamais été bons, ils eussent pu jamais se séparer de Dieu volontairement... Pourquoi vous tourmenter, ô marcionites, à chercher la cause du mal dans un principe mauvais qui précipite les créatures dans la malice ? Ne comprenez-vous pas que Dieu étant lui seul la règle des choses, il est le seul qui ne peut être sujet à faillir : et sans avoir recours à aucune autre raison, n'est-ce pas assez de vous dire que les anges étaient des créatures, pour vous faire entendre très-évidemment qu'ils n'étaient pas impeccables ?" (Bossuet, 1er sermon pour le 1er dimanche de Carême.) Il n'y a donc pas de principe mauvais, mais une nécessaire dégradation de l'Etre dans ses créatures, processus de la création. En revanche, le principe théologique du mal est conceptualisé comme tel dans l'hindouisme. La lutte des dieux et des démons, exposée dans les textes védiques, signe la victoire des dieux par la possession du sacrifice (voir : Note sur l'acte sacrificiel dans l'Inde ancienne, 1 et 2). (Il y a une réversibilité telle entre dieux et démons que, dans l'Avesta, les dieux des Védas sont démons, et les démons dieux.) C'est donc dans la représentation de la vie humaine et de la personne que se situe la principale bifurcation. Dans cette différence de représentation, et en situation de confrontation religieuse, la présence ou l'absence du sacrifice animal peut être centrale.

Dans le système do ut des, les dieux sont accessibles par l'ascèse et par les sacrifices. Le sacrifice ouvre un temps et un espace soustraits à la vie profane, mais qui regarde la vie profane. Quand le fidèle sacrifie des substituts de lui-même (victime animale, "promesse", etc.) c'est, à l'inverse et idéalement, la vie du chrétien qui est sacrifice. Sa récompense (...ut des) est extra-terrestre... Le sacrifice du chrétien consiste à expier pour ses péchés et à souffrir pour Celui qui a souffert et donné sa vie pour lui. Si l'on fait abstraction du fait identitaire (qui est évidemment déterminant ici), l'alternative proposée au fidèle réunionnais est : sacrifice animal ou croyance qu'un dieu s'est fait homme et a donné sa vie pour sauver l'humanité (cette croyance excluant toute autre forme de dévotion et condamnant notamment le sacrifice animal).


Christianisme et sacrifice animal, monisme et dualisme
(L'Epître aux Hébreux)

Le sacrifice de l'"agneau de Dieu" subsume et remplace tous les sacrifices. Il met fin au cycle sans fin de l'"éternel retour" et ouvre l'histoire (voir : Notes pour une lecture anthropologique de la Passion).
Position développée dans l'Epître aux Hébreux :

"N'ayant, en effet, que l'ombre des biens à venir, non la substance même des réalités, la Loi est absolument impuissante, avec ces sacrifices, toujours les mêmes que l'on offre perpétuellement d'année en année, à rendre parfaits ceux qui s'approchent de Dieu. Autrement, n'aurait-on-pas cessé de les offrir puisque les officiants de ce culte, purifiés une fois pour toutes, n'auraient plus conscience d'aucun péché ? Bien au contraire, par ces sacrifices eux-mêmes, on rappelle chaque année le souvenir des péchés. En effet, du sang de taureaux et de boucs est impuissant à enlever des péchés. C'est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : "Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m'as façonné un corps. Tu n'as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j'ai dit : Voici, je viens, car c'est de moi qu'il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté." (
Psaumes 40.7-9) Or, là où les péchés sont remis, il n'y a plus d'oblation pour le péché." (Epître aux Hébreux X. 1-18)

CHAPITRE IX
9. Ceci est une parabole pour le temps présent, selon laquelle les dons et les sacrifices offerts ne peuvent en conscience consacrer celui qui rend le culte.
10. Seulement sur des aliments, des boissons et des ablutions variées : des rites de chair, subsistant jusqu'au temps du redressement.
11. Or le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir, à travers la demeure plus grande et plus parfaite, non faite avec la main, soit qui n'est pas de cette création.
12. Ce n'est pas par le sang de boucs ni de veaux, mais par son propre sang, qu'il est entré une fois pour toutes dans le Saint, ayant obtenu un rachat pour l'éternité.
13. Car si le sang des boucs et des taureaux et la cendre d'une génisse répandue sur les êtres souillés , sanctifient en vue de la pureté de la chair,
14. combien plus le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, sans tache s'est offert lui-même à Dieu, purifiera-t-il nos consciences des oeuvres morte pour rendre un culte au Dieu vivant !
 15. À travers cela, il est médiateur d'une alliance nouvelle. de sorte que la mort étant survenue en rançon des transgressions de la première alliance, les appelés reçoivent la promesse de l'héritage, pour l'éternité.
16. Car là où il y a testament, il est nécessaire de constater la mort du testateur.
17. En effet un testament est validé sur des morts ; puisqu'il n'a aucune force pendant la vie du testateur.
18. D'où même la première [alliance] n'a pas été inaugurée sans du sang.
19. Car après que chaque commandement eut été énoncé à tout le peuple, conformément à la loi, Moïse en prenant le sang des veaux et des boucs, avec de l'eau, de la laine écarlate, de l'hysope, aspergea le livre lui-même et tout le peuple.
20. en disant: « Ceci le sang de l'Alliance que Dieu a ordonnée pour vous. »
21. Et il a même aspergé, avec le sang, la tente et tous les objets du culte.
22. Selon la loi, précisément, tout est purifié dans le sang, et sans effusion de sang il n'advient pas de rémission.
23. Il est donc nécessaire que les modèles de ce qui est dans les cieux soient purifiés par ces rites, tandis que les réalités célestes, [doivent l'être] par de meilleurs sacrifices que ceux-là.
24. Car le Christ n'est pas entré dans un sanctuaire fait par la main, copie du véritable, mais dans le ciel lui-même, afin de paraître maintenant pour nous en face de Dieu.
25. Et non pas qu'il doive s'offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre, qui entre dans le sanctuaire chaque année avec du sang étranger.
26. Autrement, il lui aurait alors fallu souffrir plusieurs fois depuis la fondation de l'univers. Mais il s'est manifesté une seule fois à l'accomplissement d
es ères
, pour la mise à l'écart de la faute par son propre sacrifice.
27. Et comme il appartient aux hommes de mourir une seule fois - et c'est ensuite le jugement -,
28. de même le Christ aussi a été offert une seule fois pour porter les péchés de beaucoup ; mais il apparaîtra une deuxième fois, sans péché, à ceux qui l'attendent pour le salut.
 
CHAPITRE X
1. Car la loi possédant l'ombre des biens à venir, et non point l'icône des réalités elles-mêmes, chaque année, par les mêmes sacrifices offerts indéfiniment, elle ne peut consacrer ceux qui en approchent.
2. Car, autrement, n'auraient-ils pas cessé d'être offerts puisque, sans plus avoir conscience de leurs fautes, ceux qui les offrent, d'un seul coup auraient été purifiés ?
3. Mais, à travers eux c'est un rappel des fautes chaque année.
4. Il est impossible en effet que le sang de taureaux et de boucs enlève les fautes.
5. C'est pourquoi, entrant dans l'univers, il dit:
« Sacrifice et offrande, tu n'as pas voulu; mais tu as façonné pour moi un corps.
6. Holocaustes et [sacrifices] pour les fautes, tu n'as pas agréés.
7. Alors j'ai dit : Voici, je viens - à l'entête du livre il est écrit à mon sujet pour faire, ô Dieu ta volonté. »
8. Disant plus haut que : « Sacrifices, offrandes et holocaustes pour les fautes, tu n'as pas voulus, ni agréés  »
- bien qu'ils soient offerts selon la Torah -,
9. alors il di t: « Voici, je viens faire ta volonté. » Il abroge la première pour que s'établisse la seconde.
10. Dans cette volonté, nous sommes sanctifiés à cause de l'offrande du corps de Jésus Christ, d'un seul coup.
11. Chaque desservant se tient chaque jour servant et offrant plusieurs fois les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
12. Mais celui-ci, ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, siège continuellement à la droite de Dieu,
13. attendant désormais que ses ennemis soient mis en escabelle de ses pieds.
14. Car par une offrande unique, il a consacré pour toujours, les sanctifiés.
15. En témoigne pour nous l'Esprit Saint, car après avoir dit :
16. « Voici l'alliance que je conclurai avec eux après ces jours là, dit le Seigneur: en donnant mes lois sur leur coeur, je les inscrirai dans leur intention.
17. Et leurs péchés, leur non respect de la loi, je ne m'en souviendrai plus. »
18. Ainsi, là où [il y a eu] leur rémission, [il n'est] plus d'offrande pour les fautes.
19. Ayant donc l'assurance, frères, d'avoir accès au sanctuaire par le sang de Jésus
20. - il a inauguré pour nous une route récente et vivante à travers le voile, c'est-à-dire sa chair [...]

Prescriptions alimentaires :
Romains
14,1. Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans contester les opinions.
14,2. Car l'un croit pouvoir manger de tout; l'autre, qui est faible, ne mange que des légumes.
14,3. Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas; et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange: car Dieu l'a pris à Son service.
14,4. Qui es-tu, toi qui juges le serviteur d'autrui? S'il demeure ferme, ou s'il tombe, cela regarde son maître; mais il demeurera ferme, car Dieu est puissant pour l'affermir.
14,5. De même, l'un met de la différence entre les jours, l'autre considère tous les jours comme égaux. Que chacun abonde en son sens.
14,6. Celui qui distingue les jours, les distingue pour le Seigneur ; celui qui mange, le fait pour le Seigneur, car il rend grâces à Dieu; et celui qui ne mange pas, le fait pour le Seigneur, et il rend grâces à Dieu.
14,7. Car aucun de nous ne vit pour lui-même, et aucun ne meurt pour lui-même.
14,8. Mais, soit que nous vivions, c'est pour le Seigneur que nous vivons ; soit que nous mourions, c'est pour le Seigneur que nous mourons. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur.
14,9. Car c'est pour cela que le Christ est mort et qu'Il est ressuscité, afin de dominer sur les morts et sur les vivants.
14,10. Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère ? et toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal du Christ.
14,11. Car il est écrit : Aussi vrai que Je vis, dit le Seigneur, tout genou fléchira devant Moi, et toute langue rendra gloire à Dieu.
14,12. Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même.
14,13. Ne nous jugeons donc plus les uns les autres; mais jugez plutôt que vous ne devez pas placer devant votre frère une pierre d'achoppement ou de scandale.
14,14. Je sais et je suis persuadé dans le Seigneur Jésus que rien n'est impur en soi-même, et qu'une chose n'est impure que pour celui qui l'estime impure.
14,15. Mais si pour un aliment tu attristes ton frère, dès lors tu ne te conduis plus selon la charité. Ne va pas, par ta nourriture, perdre celui pour qui le Christ est mort.
14,16. Que le bien dont nous jouissons ne soit donc pas une occasion de blasphème!
14,17. Car le royaume de Dieu ne consiste pas dans le manger et dans le boire, mais dans la justice, la paix et la joie que donne l'Esprit-Saint;
14,18. et celui qui sert le Christ de cette manière plaît à Dieu et est approuvé des hommes.
14,19. Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix, et observons les uns envers les autres ce qui peut édifier.
14,20. Ne va pas, pour un aliment, détruire l'oeuvre de Dieu. A la vérité toutes choses sont pures; mais un homme fait le mal, lorsqu'en mangeant il est une pierre d'achoppement.
14,21. Il est bien de ne pas manger de viande, et ne pas boire de vin, et de s'abstenir de ce qui choque, scandalise, ou affaiblit ton frère.
14,22. As-tu la foi? Garde-la en toi-même devant Dieu. Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même dans ce qu'il approuve!
14,23. Mais celui qui a des doutes et qui mange est condamné, parce qu'il n'agit pas selon la foi. Or tout ce qui ne se fait point selon la foi est péché.

Actes des apôtres :
10,10. Et ayant faim, il voulut manger. Mais pendant qu'on lui préparait quelque chose, il lui survint un ravissement d'esprit :
10,11. et il vit le ciel ouvert, et un objet semblable à une grande nappe liée par les quatre coins, qui descendait du ciel sur la terre ;
10,12. à l'intérieur il y avait toutes sortes de quadrupèdes, et de reptiles de la terre, et d'oiseaux du ciel.
10,13. Et une voix se fit entendre à lui : Lève-toi, Pierre; tue et mange.
10,14. Mais Pierre dit : Je ne le puis, Seigneur; car je n'ai jamais rien mangé de profane et de souillé.
10,15. Alors la voix s'adressa à lui une seconde fois : Ce que Dieu a purifié, ne l'appelle pas profane.

La "réfutation" chrétienne la plus explicite de l'ancienne Loi, avec son formalisme rituel, est développée par le marcionisme qui interprète l'opposition du Dieu de la Bible et du Dieu de l'Évangile en termes de dualisme métaphysique. L'incompatibilité absolue entre l'Ancien et le Nouveau Testament, développée dans les Antithèses de Marcion, est exprimée par l'identification du Dieu de l'Ancien Testament avec le Principe du Mal. Il y a donc deux dieux, un Dieu bon et un Dieu mauvais. Le dieu jaloux de l'Ancien Testament, démiurge modelant une matière qui lui préexiste, a produit un homme imparfait et les relations tourmentées de ce créateur avec son peuple sont expressives de sa malévolence. Extérieur à ce monde de la matière et du mal, il existe un Dieu bon, Père miséricordieux dont le Christ rédempteur est le messager. Par la Passion du Sauveur, le Dieu bon rachète les hommes au Dieu mauvais. Entre la Loi et l'Évangile il n'y a donc pas continuité mais un conflit radical qui est celui du Bien et du Mal. Le Christ ne saurait être le Messie des Juifs et Marcion se réclame d'une religion radicalement nouvelle. Dans l'économie d'une analyse cherchant à mettre en évidence l'opposition du monde traditionnel, avec son cycle de dépendance sacrificielle (Votis nectere vota) et de l'espérance chrétienne, on dirait, en termes d'aujourd'hui, que Marcion reconnaît dans la religion juive, en dépit de son monothéisme et de sa condamnation des "idoles", l'altérité absolue des cultes de la nature qui justifie le prosélytisme chrétien.
Rapporté au dualisme populaire, le marcionisme croit lui aussi au mal, mais n'y sacrifie évidemment pas. Il prône un encratisme absolu visant à la résorption finale du principe du mal. Il incarne en quelque sorte un christianisme de fin du monde, ayant fait le deuil de toute reproduction.


Pour illustrer l'expansion du christianisme dans la province dont il était gouverneur (la Bithynie et le Pont), l'écrivain latin Pline le Jeune rapporte, dans une lettre à l'empereur Trajan datée de l'an 112, que les temples étaient "presque déserts" et que les marchands d'animaux destinés au sacrifice ne trouvaient pratiquement plus d'acheteurs : le "mal contagieux n'[ayant] pas seulement infecté les villes, mais aussi gagné les villages et les campagnes." (Epist. X, 96) À la Réunion, tel n'est pas précisément le cas. La demande de victimes sacrificielles est si conséquente qu'il y a souvent pénurie de cabri chez le boucher. L’élevage caprin est, pour l'essentiel, assuré par des particuliers ou de petits propriétaires qui élèvent "derrière la cour" des cabris pour un temple ou qui, pratiquant la religion tamoule, élèvent pour leur compte. Plus de 80% des transactions concernent les cérémonies religieuses. (Le cheptel est estimé à 20 ou 30.000 têtes. Un bouc pour le sacrifice peut être vendu entre 1.000 et 1.500 euros, tandis que, sur le marché de la viande, où le cabri importé de Nouvelle-Zélande fait concurrence à la production locale, le prix d'achat au producteur est de l'ordre de 7 euros le kilo.)

La religion populaire élève ses autels dans l'arène de la lutte pour la vie. C'est une religion du quotidien, à l'échelle des vicissitudes et des ambitions. Les fidèles mettent parfois en avant la "fierté" du temple de Bois Rouge, où le sacrifice animal s'observe à une échelle sans équivalent à la Réunion, associant la réussite sociale à la violence du sacrifice. Les hommes politiques de la côte Est, les entrepreneurs, les "gros Malbars", répète-t-on, se font un devoir de faire sacrifier des animaux. Dans la conscience réunionnaise, la religion malbar, avec ses rites spectaculaires, est souvent assimilée à la sorcellerie.On compte parmi les plus gros propriétaires fonciers de la côte Est des descendants d'engagés. On imagine donc des "promesses" pour avoir, mais aussi des "promesses" pour parvenir ou pour nuire au concurrent...

Bois Rouge
Trois données :
- la présence du dieu (attestée par la transe du marli) ;
- l'offrande d'une vie animale (qui représente le sacrifiant) ;
- l'expérience collective et communautaire, sous l'inspiration et l'invocation des pères fondateurs du temple.

Trois faits objectifs fondent la subjectivité de l'expérience religieuse.
- La réalité de la transe justifie la croyance, objectivement illusoire, en la présence effective d'un dieu dans les limites du temple ;
- La violence de la mise à mort de la victime animale, avec l'empathie et le choc psychique qu'elle engage, est bien réelle, même si la victime n'a objectivement rien en commun avec le sacrifiant ;
- Les faits d'histoire et la reconnaissance des descendants sont avérés, mais ne sont évidemment rien pour les premiers engagés – invoqués absents de la scène.
Transe signifie (pour le moins) "état modifié de conscience", un état psychosomatique qui peut être décrit par la biomédecine ; l'acte de donner la mort, même ritualisé, possède une impact psychique évident ; le sentiment de dette aux "pères" constitue un invariant culturel fort qui, dans la fidélité mémorielle transcende le champ du vivant et met les descendants en communication avec les morts.
Ces trois faits possèdent en commun une qualité émotionnelle spécifique. Seule est bien réelle l'expérience commune, émotionnellement chargée, d'une croyance (d'un savoir émotionnel et non rationnel) partagée, constitutive du fait religieux.

Malgré les discours œcuméniques, les croyances théologiques ne sont pas "négociables". C'est le point de vue de bon sens, récemment exprimé par le pape, en novembre 2008, affirmant sa conviction que tout dialogue entre les religions "au sens strict" est impossible, car il suppose de "mettre sa propre foi entre parenthèses". (Le Monde du 16 janvier 2009)

- L'évolution des conceptions sacrificielles en Inde, en Occident... affaire de philosophes et de théologiens. On marquera simplement ici que la puissance du sacrifice sanglant, sa valeur de choc émotionnel, est aussi ce qui cause son rejet. Voici, à titre d'exemple, une expression de la répulsion qu'il peut causer, sous la plume du poète chrétien Prudence, décrivant, vers l'an 400, le sacrifice du taurobole.

"On creuse une fosse dans la terre, et le grand prêtre s'enfonce dans ses profondeurs pour y recevoir cette consécration. Sa tête porte des rubans merveilleux ; à sa tête sont nouées des bandelettes de fête ; une couronne d'or retient ses cheveux ; sa toge de soie, disposée à la mode des Gabies, est maintenue par un de ses pans qui forme ceinture.
Avec des planches disposées au-dessus de la fosse, on aménage une plate-forme à claire-voie, en assemblant des ais sans les serrer les uns contre les autres. Puis on pratique des fentes ou des trous dans ce plancher, on perfore le bois par de multiples coups de vrille, pour qu'il présente une foule de petites ouvertures.
C'est là qu'on amène un taureau énorme, au front farouche et hérissé ; une guirlande de fleurs forme un lien autour de ses épaules ou de ses cornes enchaînées ; de l'or brille sur le front de la victime ; son poil est recouvert de l'éclat d'un placage doré.
C'est là qu'on place l'animal à immoler ; puis on lui déchire la poitrine à coup d'épieu sacré. La vaste blessure vomit un flot brûlant ; sur les planches assemblées du pont où gît le taureau, elle déverse un torrent chaud et se répand en bouillonnant.
Alors, parmi les innombrables canaux des mille fentes, cette pluie s'infiltre, puis tombe en une averse infecte ; le prêtre enfermé dans sa fosse la reçoit ; il expose à toutes les gouttes sa tête hideuse ; son vêtement et tout son corps en sont empuantis.
Bien plus, il renverse la tête en arrière, il présente ses joues au passage de cette pluie, il y expose ses oreilles, il y offre ses lèvres et ses narines, il humecte du liquide ses yeux mêmes ; sans épargner son palais, il en arrose sa langue, jusqu'à ce que toute sa personne soit imprégnée de ce sang affreux.
Une fois que les flamines ont retiré du plancher le cadavre exsangue et rigide, le pontife sort et s'avance, horrible à voir ; il étale aux regards sa tête humide, sa barbe alourdie, ses bandelettes mouillées, ses habits saturés.
C'est cet homme souillé par un tel contact, éclaboussé par le flot corrompu du sacrifice qui vient d'avoir lieu, que tout le monde salue et adore de loin, dans l'idée que le vil sang du bœuf mort l'a purifié pendant qu'il se cachait dans ce trou indigne."
Prudence, (Livre des couronnes, X, 1016-1050)

Le sacrifice animal et la législation républicaine. L'arrêté préfectoral

En 2007, la préfecture de la Réunion, entreprend, mettant en avant les normes européennes et les contraintes sanitaires (l'E.S.B et la tremblante de la chèvre et du mouton sont en arrière-plan) de légiférer sur le sacrifice animal à la Réunion.


Le projet d'arrêté préfectoral
PROJET MODIFIE – 11/10/07

ARRETE PREFECTORAL

Définissant les conditions sanitaires présidant aux sacrifices rituels de caprins

N° 2007 –

Le préfet de la Réunion,
Officier de la Légion d'Honneur

Vu le Code rural, et notamment le livre II Titres I, II, III

Vu le Code des Collectivités Territoriales,

Vu l'arrêté ministériel du 19 décembre 2005 relatif à l'identification des animaux des espèces ovine et caprine;

Vu l'arrêté ministériel du 17 mars 1992 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d'animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les conditions de l'inspection sanitaire de ces établissements;
Considérant la grande ancienneté des sacrifices rituels caprins dans le département
Considérant la nécessité d'apporter un minimum de garanties sanitaires aux sacrifices rituels effectués hors d'un domicile privé,
Sur proposition du secrétaire général;

ARRETE :

ARTICLE 1 : Les dispositions du présent arrêté ne s'appliquent pas aux sacrifices pratiqués dans un cadre strictement familial.

ARTICLE 2 : Les caprins faisant l'objet de sacrifices rituels doivent provenir d'élevages déclarés auprès de l’Etablissement Départemental de l'Elevage et être dûment identifiés par deux boucles auriculaires fournies par ce même service.

ARTICLE 3 : Les caprins doivent être transportés et entretenus dans des règles respectant la protection animale. Dans le cas de transporteurs commerciaux, ceux-ci doivent être agréés auprès de la Direction des Services Vétérinaires.

ARTICLE 4 : Les caprins doivent faire l'objet d'une inspection ante-mortem par un vétérinaire sanitaire sur le lieu d'abattage ou d'un certificat vétérinaire de bonne santé datant de moins de 5 jours avant l'abattage.

ARTICLE 5 : Les caprins doivent être sacrifiés dans le respect des règles de protection animale, par des sacrificateurs reconnus pour leur compétence et leur expérience. Pour ce faire, ces sacrificateurs sont habilités par leur autorité religieuse. Leur nom est communiqué au Préfet chaque année.

ARTICLE 6 : Les carcasses doivent être rendues non fendues et non découpées à leurs propriétaires, dépouillées et vidées de leurs viscères. Les abats comestibles doivent être conditionnés de façon hygiénique.

La viande et les abats ne peuvent en aucun cas être vendus.

ARTICLE 7 : Les déchets d'abattage sont collectés et éliminés dans un centre agréé. Ils ne peuvent en aucun cas être donnés à la consommation animale afin d'éviter toute diffusion de maladie.
Lors d'abattage en nombre, un contact préalable est pris avec la collectivité en charge de la collecte des déchets et les dispositions appropriées sont prises

ARTICLE 8 : Monsieur le préfet, messieurs les sous-préfets, messieurs les maires, monsieur le directeur départemental des services de police, monsieur le commandant de Gendarmerie de la Réunion, le directeur des services vétérinaires sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui sera inséré dans le recueil des actes administratifs.

Le préfet,


La simple idée d'une intervention de la puissance publique dans le rituel met la communauté indienne en émoi. La presse ayant fait état d'un projet d'arrêté, la préfecture diffuse la mise au point suivante :

"Sacrifices rituels de caprins à la Réunion
La presse écrite du 24 septembre évoque un projet d'arrêté préfectoral sur la réglementation des sacrifices rituels de caprins à la Réunion.
Plusieurs précisions s'imposent :
- La réglementation sanitaire européenne et française interdit tout abattage d'animaux destinés à une consommation non familiale en dehors d'un cadre sanitaire très précis. C'est précisément pour tenir compte de l'existence d'un rituel de sacrifices caprins à La Réunion, et lui aménager une place légale, que ce projet de texte a été rédigé. L'objectif n'est pas d'interdire mais de préserver.
- Il s'agit d'un "projet" d'arrêté qui, compte tenu de la sensibilité du sujet, a été soumis pour avis et compléments éventuels à plusieurs personnalités religieuses de l'île, dont la "fédération des associations et groupements religieux hindous et culturels tamouls". Par courrier du 11 septembre 2007, cette dernière a d'ailleurs indiqué qu'elle ferait connaître ses propositions."

Voir la réponse, diffusée dans la presse, du secrétaire de l'Association Karli du temple de Bois-Rouge :

"Le sacrifice de cabris et de coqs au temple de Bois-Rouge est une tradition ancestrale, tout comme la marche sur le feu dans les temples de Pandialee. Les gens de confession tamoule ont pris l'habitude de faire une offrande à Dieu. On ne peut pas du jour au lendemain vouloir changer une tradition. Vouloir légiférer sur le culte, quelle que soit sa confession, pour tout remettre en cause, je dis non, déclare le Secrétaire de l'association Karli, responsable du temple. La communauté tout entière s'y opposera. Pas question de toucher aux sacrifices d'animaux dans les temples tamouls. Coup'pas nout tradition." ( "Coup'pas nout tradition", l'expression est reprise dans un titre de Clicanoo.com, le 3 janvier 2008, rendant compte de la cérémonie du 2 janvier visée plus haut.)


Documents

Préserver la tradition des sacrifices d’animaux
Témoignages du vendredi 5 octobre 2007

Plusieurs associations tamoules se sont donné rendez-vous dans les quatre coins de l’île hier pour protester contre le projet de réglementation des sacrifices d’animaux. Des pétitions ont été remises à la Préfecture. Une rencontre avec le ministre devrait avoir lieu aujourd’hui.
Hier, les associations tamoules se sont donné rendez-vous dans plusieurs points de l’île, devant les Sous-préfectures et la Préfecture pour montrer leur opposition au projet d’arrêté préfectoral concernant les sacrifices de cabris et de coqs. « Un projet d’arrêté avait été transmis aux associations au début du mois de septembre, puis nous n’avons plus eu de nouvelle. Mais à la lecture de ce projet, nous sommes tous très inquiets », explique Julien Ramin, responsable du temple Badra Karly de Ravine Blanche et membre de la FAGRHCTR (Fédération des associations et groupements religieux hindous et culturels de La Réunion). En fin de semaine, le président de l’association Tamij Sangam a informé qu’il voulait mener une action. Mais j’ai fait remarquer qu’aucune association ne pouvait prétendre à parler pour tous les Tamouls, que ce soit la Fédération, l’association Tamij Sangam, ou encore l’USKIR (Union Santhana Dharma des Koïlous et Indianistes de La Réunion), car il y a d’autres associations », poursuit-il.
Un Collectif est donc né, réunissant pour le moment la Fédération, Tamij Sangam et l’USKIR. Et pour alerter la population, et lui donner l’occasion de s’exprimer sur ce projet de réglementation du sacrifice d’animaux, le Collectif a lancé une pétition. En moins de 2 jours, assure Julien Ramin, 1.100 signatures ont été recueillies à Saint-Pierre et Saint-Louis, 1.800 à Saint-Leu, Saint-Paul, La Possession, 400 dans le Nord et 600 dans l’Est.
Pour le respect de la religion tamoule
Les associations se sont donc rendues à la Préfecture et aux Sous-préfectures pour transmettre ces pétitions, puis demander à ce qu’une rencontre soit organisée pour discuter ensemble du projet d’arrêté. « Nous demandons qu’un comité réunionnais composé de toutes les associations tamoules soit mis en place pour permettre un échange avec le pouvoir public. Nous demandons au préfet d’organiser une concertation la plus large possible, et non seulement un groupement d’associations », affirme Julien Ramin. Car, en l’état, les associations rejettent en bloc ce projet d’arrêté. « Le projet parle d’abattage, comme si on tuait les animaux pour la boucherie, or, il s’agit d’offrandes, de sacrifices accompagnés de prières. Ensuite, il parle de mise sur le marché de la viande, alors que cette viande n’est pas vendue, elle est destinée au partage, avec la famille, les amis », rappelle Julien Ramin.
Bref, le projet d’arrêté semble totalement ignorer la réalité de cette religion qui fait partie intégrante de la culture réunionnaise. « On demande par exemple de construire une salle lisse à l’intérieur du temple pour évacuer le sang lors des sacrifices. Dans ce rituel, le sang ne doit pas être évacué, on doit le laisser retourner à la terre », ajoute Julien Ramin.
Pour « l’intégration » des Malbars à la société
Autre point qui a plutôt surpris les associations, le fait qu’on ose encore parler aujourd’hui de la nécessité d’intégrer les Malbars à la population réunionnaise. « La Préfecture parle d’intégration. Mais les Malbars sont intégrés dans la société depuis le peuplement de l’île, ils sont une partie intégrante de la population réunionnaise, donc française », souligne Julien Ramin. « Dans “Le Quotidien” du 25 septembre, le Secrétaire général de la Préfecture, Franck Olivier Lachaud, explique que nous devrions accepter cette réglementation puisque dans le même temps, nous réclamons un jour férié. N’est-ce pas là du chantage ? », poursuit-il.
Bref, les associations ne comprennent pas ces attaques répétées envers la religion tamoule. Il n’y a pas très longtemps, ce sont les tambours qui dérangeaient dans un temple de Saint-André. Les associations veulent simplement rappeler que, comme tout citoyen, ils ont des devoirs mais aussi des droits. « Nous sommes des citoyens de la République, nous voulons une concertation, mais il n’est pas question de toucher à nos rites cultuels », conclut Julien Ramin.
Edith Poulbassia

Le Quotidien du 15/10/07 - 18h05 - SACRIFICES CAPRINS
« Une charte, mais pas d’arrêté »

Réunis hier à Bois-Rouge, trois cents représentants de la communauté tamoule ont décidé de « refuser en bloc l’arrêté préfectoral ». Ils proposent l’élaboration d’une charte.
Trois cents représentants de la communauté tamoule se sont réunis hier au temple de Bois-Rouge. Lors de cette réunion de concertation, ils ont rejeté catégoriquement l’arrêté préfectoral relatif aux sacrifices caprins. Un nouveau regroupement est prévu aujourd’hui dans l’Ouest afin d’évoquer la possibilité de l’élaboration d’une charte.
Hier matin, près de trois cents représentants de différents temples hindous de l’île ainsi que d’autres de la fédération des associations et groupements religieux hindous (FAGRH) se sont retrouvés au temple de Bois-Rouge pour une réunion de concertation.
Après la conférence de presse donnée par le collectif pour le respect des traditions tamoules [voir infra], où ses représentants avaient trouvé « quelques points positifs de la part de la préfecture », à propos d’une éventuelle réglementation des sacrifices caprins, les personnes réunies hier, ont adopté une nouvelle position.
« Le collectif ne représente rien »
Selon François Imazoute, membre de la fédération et du temple de Bois-Rouge, « le collectif n’est représentatif de rien. Nous sommes majoritaires et lors de notre réunion, à l’unanimité nous avons décidé de rejeter en bloc l’arrêté préfectoral avant d’entamer toute discussion. En quelques mots, cela signifie on recommence on oublie tout. Une fois cet arrêté supprimé, nous allons tous ensemble élaborer une charte qui va correspondre à ce que tout le monde souhaite. »
Eux aussi, tout comme le collectif estiment que la traçabilité ou encore l’élimination des déchets, « cela ne relève pas de notre ressort », mais dans la charte que nous souhaitons, ces sujets seront forcément évoqués. Face à ces nouvelles positions qui au fond n’en sont pas vraiment, semble se profiler un désaccord entre collectif et fédération. Ce que réfute farouchement François Imazoute en répétant toutefois, « le collectif n’a aucune valeur juridique, il ne représente rien. »
Aujourd’hui, une autre rencontre est prévue dans l’Ouest afin de mettre en place des moyens de réagir pour la suppression dudit arrêté au profit de l’élaboration d’une charte.

La revue Tamij Sangam, a consacré un dossier à la question dans son n° 25, daté de décembre 2007 (pages 6 à 16) dont voici quelques extraits :

La revue est responsable de la création d'un collectif dont la genèse est relatée comme suit.
"C'est en lisant les coupures de presse que la communauté tamoule apprend l'existence d'un projet visant à réglementer les sacrifices de caprins à La Réunion. En effet, le 24 septembre la presse publie un article qui surprend tout le monde : un projet d'arrêté préfectoral.
Le Collectif "a rejeté en bloc" le projet d'arrêté et "travaille actuellement sur de nouvelles propositions en vue d'une prochaine rencontre à la Préfecture en avril 2008". (p. 8)
"L'intervention des services officiels à l'intérieur des temples pose toujours problème" (p. 9)
"Nous ne voulons pas d'interférence des administrations dans les rite." (id.)

"On a coutume de dire que nos prêtres ont chacun leur approche personnelle concernant les cérémonies et les pratiques rituelles, mais ils sont tous unanimes sur ce point : ce projet d'arrêté ne passera pas par eux. Ils refusent le fond et la méthode employée et sont tous solidaires. Ils expliquent leur position.

-Mr Adrien PONAPIN à 73 ans est la mémoire vivante des valeurs ancestrales [...] Il a la particularité d'appartenir à un double ancrage en tant qu'officiant. Membre héritier du temple de Perumal à l'étang de Saint-André, il assure à la fois les cérémonies où pour servir Dieu, seuls les fruits, les fleurs, les gâteaux se font en offrande, mais il est aussi le garant des sacrifices au temple du Colosse, ce "BonDieu" pour qui le don de l'animal est nécessaire. Il est donc inquiet de ce projet d'arrêté. "Ce retour du sang à la terre est le fondement de notre bien-être, la protection divine sur notre île. On ne brise pas une chaîne aussi brutalement". Pour M. Adrien, "les conséquences peuvent être néfastes" […]
- Mr Jean-Yves TEVANEE, officiant au temple de Terre-Rouge : "Les sacrifices d’animaux constituent un héritage ancestral depuis plus de 100 ans. Par cette pratique on témoigne avant tout de notre respect aux ancêtres. Par ailleurs à La Réunion comme dans certaines régions de l'Inde, le sacrifice animal peut s’interpréter comme la meilleure offrande que l’on peut faire aux Dieux. Enfin, le sacrifice d'un animal devant un temple nous donne une certaine force et nous apaise une fois la cérémonie terminée. [...]
Comment concevoir la venue de vétérinaires devant un temple ? Les cérémonies de purification ne serviront dans ce cas plus à rien ! Il n'y aurait plus aucun respect pour Dieu."
-Hubert SOUPRAYEN, président du temple de Bois Rouge : " [...] Le repas béni est servi ici à des milliers de gens. Il n’y a jamais eu de maladies. Bien au contraire notre déesse a sauvé beaucoup de fidèles de leurs problèmes de santé. Je fais appel à la sagesse de nos autorités pour laisser les Hindous pratiquer librement notre religion. Je souhaite également que les Tamouls restent unis dans cette épreuve. Que notre déesse nous protège et protège nos valeurs millénaires."
-Mr Emmanuel AMOUNY, officiant à Saint-Pierre :  "Le sacrifice animal est une tradition ancestrale qui a permis aux hindous de prospérer jusqu'à présent. [...] En coupant un cabri, un coq, on nourrit la terre nourricière pour que celle-ci protège nos biens et on témoigne par la même occasion de notre reconnaissance pour la mère divine "Mâ Kâli". Pour ce qui est de l'arrêté préfectoral, je pense que l'État n'a pas à rentrer dans nos rituels. Je tiens aussi à rappeler que la viande cuite et le massalé n’ont jamais causé aucune maladie à quiconque.D'ailleurs, il est inconcevable que des vétérinaires pénètrent dans la cour d’un temple pour contrôler les animaux et la viande sacrés. Il est aussi aberrant de déclarer « les coupeurs de cabris » puisqu’il ne s’agit pas d’un métier [...]"
-Mr Richard VELLETCHI, officiant à Saint-Pierre : "Je tiens à préciser que dans notre coutume, les sacrifices doivent se faire à l’air libre, en face de la divinité et le sang doit obligatoirement retourner à la terre dans un trou dit "kabarlon". En outre, je ne suis pas d'accord pour qu'un vétérinaire entre dans la cour du temple car le temple est un lieu de prières, un lieu sacré, un lieu dans lequel nous exigeons énormément de rigueur et de discipline. Après le sacrifice, la viande doit rester aussi propre que possible car une fois cuite, elle est à nouveau offerte aux divinités.Si cette viande venait à être manipulée par un vétérinaire, par ,définition ne faisant pas partie du culte, elle deviendrait alors impure. Je m'oppose fermement au contrôle d'un vétérinaire ! [...]"
-Mr Kichenin SADEYEN : "Je peux dire que le temple n’est ni un abattoir ni un restaurant. C’est un lieu de culte et d'offrande aux divinités et d'offrandes au public et aux fidèles. La tradition du sacrifice existe depuis la nuit des temps et ceci dans toutes les religions. Avant la civilisation, on sacrifiait des êtres humains. Avec l’évolution,on sacrifie des animaux, et nous les tamouls, des coqs et des cabris. Kaali représente l’Énergie. Elle habite dans le cœur de tout humain et de tout animal. La destruction entraîne la reconstruction. Je me construis en "détruisant" le cabri."
- Mr Vel MOUNIGAN,officiant et président du temple de Front de Mer à Sainte-Suzanne : "Ce projet d'arrêté est mauvais. C'est un recul au lieu d'un progrès. C'est le sang des animaux sacrifiés qui nourrit cette terre réunionnaise. Les Hindous ont une relation sacrée avec la terre de cette île car nos ancêtres l’ont mis en valeur à la sueur de leur front et au péril de leur vie."
-Mr Daniel SINGAINY, officiant et président de la Sapel la Misèr : "Notre tradition réunionnaise vient de l'Inde profonde [...] Nous sommes très concernés par l’hygiène qui fait partie intégrante de notre pratique religieuse. Nous nous baignons et déchaussons avant d’entrer dans les chapelles. Les carêmes sont là pour nous purifier, alors l’hygiène on la connaît et on a pas de leçons à recevoir." 
-Mr Mayavan BABALATCHOUMY, officiant : "Moi, je me base sur les livres sacrés : j’ai en ma possession un vieux livre imprimé il y a plus de 150 ans, le Sri Kandam, extrait du Mahabharata. Un cheval est sacrifié en l’honneur de la déesse Kaali. [...] Je comprends les préocccupations d’hygiène de la Préfecture mais dans nos chapelles, la viande est portée à une telle température que de l’avis même d’un ami vétérinaire, aucun virus ou bactérie ne résisterait à cette chaleur !"
[...]

Le Groupe de Dialogue inter-religieux (GDIR) relate avoir "été saisi par lettre de la Préfecture en date du 16 août [2007] pour émettre un avis sur le projet d'arrêté préfectoral réglementant les sacrifices rituels de caprins dans les temples hindous". Il a réuni son Conseil d'administration le 26 septembre à ce sujet.

La revue Tamij Sangam réagit à ce sujet :
C. S. : "La préfecture n'a pas à saisir le GDIR sur un sujet de rite hindou. C'est plus qu'une maladresse. Je regrette que certains aient jugé opportun d'aborder ce sujet qui n'est pas du ressort du GDIR. C'est un débat interne à la communauté hindoue. Je ne souhaite pas d'intrusion des non-hindous sur ce sujet." (p. 16)

C. S. "L'article 1 semble épargner les sacrifices pratiqués dans le milieu familial. Ne soyez pas si soulagés ! La définition juridique de la famille correspond aux enfants, parents et grands-parents tout au plus. Dans la pratique réunionnaise une cérémonie familiale réunit autour du repas béni des dizaines et même des centaines de personnes plus ou moins proche [...] Les autres articles sont culpabilisants à notre égard. Ils nous montrent du doigt comme responsables d'un marché parallèle et de vente d'animaux non déclarés et donc non suivis par les services vétérinaires." (p. 6)

C. S. "Ce sont ces rites qui ont préservé la foi hindoue dans l'environnement hostile de conversion et de dénigrement de la période [coloniale]". (p. 1)

CLICANOO.COM | Publié le 3 janvier 2008
Comme chaque année, plusieurs centaines de fidèles, venus des quatre coins de l’île, ont honoré leur promesse, hier, en offrant cabris ou coqs à la déesse Karli au temple éponyme de Bois-Rouge à Saint-André. Et ce, en dépit d’un arrêté préfectoral, actuellement en cours d’étude, souhaitant réglementer les sacrifices caprins à la Réunion. La tradition religieuse plus forte que la réglementation européenne ?
 
Depuis le 25 décembre dernier, le temple de Bois-Rouge est en fête. Depuis cette date, en effet, chaque jour est ponctué d’une cérémonie (avsion) dédiée aux divinités, afin de préparer le jour-J, à savoir la journée du 2 janvier, synonyme de sacrifice. Au petit matin, des familles entières venant de diverses communes du département arrivent au temple avec leur cabri ou coq en guise d’offrande à la divinité Karli. Certains y ont même passé la nuit, en restant couchés dans leur voiture, afin d’être les premiers “servis”. Il faut dire que la file d’attente dans l’espace spécialement aménagé par les responsables de l’association cultuelle, est longue. Le sacrifice d’animaux démarre aux environs de 7 heures et s’achève aux alentours de 12 heures. Sans arrêt, les “coupeurs” armés de leur sabre (aloi) se relaient devant la divinité, installée dans son char (tèl), afin de procéder au rituel. Cabris et coqs sont ainsi sacrifiés à un rythme impressionnant. Les tâches sont bien réparties. Chaque fidèle de l’association connaît son rôle. Tout est réglé comme du papier à musique. Le président Hubert Souprayen et les autres membres du bureau de l’association Karli veillent au grain. Ils sont sur le qui-vive, d’autant que, depuis septembre 2007, un arrêté préfectoral (voir encadré) plane au-dessus de la tête de chaque corréligionnaire, un peu comme une espèce d’épée de Damoclès. Un projet d’arrêté préfectoral qui, l’on se rappelle, avait suscité une levée de boucliers au sein de la communauté tamoule de la Réunion. D’où quelques modifications survenues en octobre dernier, après une rencontre entre les représentants des principales associations cultuelles et culturelles et Franck-Olivier Lachaud, secrétaire général de la préfecture (qui a, depuis le 8 décembre, quitté la Réunion pour la Bretagne). Au terme de cet entretien constructif, le représentant de l’État avait décidé de mettre en suspens son projet d’arrêté, le temps pour les membres de la communauté de célébrer, comme il se doit, les fêtes religieuses tamoules de fin d’année. Mais les normes européennes restent plus que jamais d’actualité. Et elles devraient entrer en vigueur progressivement. Afin d’anticiper sur cette réglementation, mais sans pour autant altérer le rituel, les responsables de l’association de Bois-Rouge ont mis en place une organisation, histoire de prouver leur bonne foi.
CONCENTRER LES OFFRANDES SUR LA VOIE PUBLIQUE
“Nous sommes tout à fait conscients de l’importance des normes sanitaires, mais l’État doit aussi comprendre que si chacun fait son travail correctement, notamment en amont pour ce qui est de la traçabilité animale, tout devrait bien fonctionner. Cette année, nous avons décidé, pour les sacrifices ayant lieu sur la voie publique, de désigner trois points de rassemblement : le Pont-Malheur, devant l’école de Quartier-Français et au carrefour de Cambuston près de la pharmacie. On ne coupera plus devant chaque maison. Si certaines familles veulent absolument donner leur cabri devant leur domicile, le sacrifice se fera non pas sur la route, mais dans leur cour”, précise François Imazoute, secrétaire de l’association Karli de Bois-Rouge. Par ailleurs, à noter que pour une meilleure gestion des déchets d’abattage, la Cirest a mis en place des bennes spéciales, à proximité des temples mais aussi à l’attention des particuliers. “Le sacrifice de cabris et de coqs au temple de Bois-Rouge est une tradition ancestrale, tout comme la marche sur le feu dans les temples de Pandialee. Les gens de confession tamoule ont pris l’habitude de faire une offrande à Dieu. On ne peut pas du jour au lendemain vouloir changer une tradition séculaire. Ce serait mal compris. Au regard des normes européennes, et après concertation, on pourra toujours apporter des modifications, mais de là à vouloir légiférer sur le culte, quelle que soit sa confession, pour tout remettre en cause, je dis non. La communauté tout entière s’y opposera. Pas question de toucher aux sacrifices d’animaux dans les temples tamouls. Coup’pas nout tradition”, insiste François Imazoute. Hier matin, au temple de Bois-Rouge, malgré le mauvais temps (avis de fortes pluies), pas moins de 800 cabris et un millier de coqs ont été “offerts” à Karli. Preuve qu’aucune réglementation n’aura raison de la ferveur religieuse. Si la foi soulève des montagnes, nul doute qu’elle saura gérer un arrêté préfectoral en privilégiant autant que faire se peut la voie du consensus plutôt que celle de l’affrontement.
Textes et photos : Yves Mont-Rouge

Le Quotidien du 03/01/09 - 09h27

Des centaines de cabris sacrifiés

A Bois-Rouge, les sacrifices d’animaux commencent traditionnellement le 2 janvier. (Photo Raymond Wae-Tion)

Comme chaque année à la même date, plusieurs centaines de cabris et de coqs ont été sacrifiés hier, au temple de Bois-Rouge, en l’honneur de la déesse Karli.

Pluie battante l’année passée, soleil de plomb cette fois : sur le temple de Bois-Rouge, situé à proximité de l’usine sucrière, les éléments peuvent passer d’un extrême à l’autre, ils ne contrarient guère la tradition, qui se perpétue avec une ferveur et une sérénité inaltérées.
Hier, comme tous les 2 janvier, ils ont été des centaines de fidèles venus surtout de l’Est et du Nord mais aussi du reste de l’île, à participer à la fête de la déesse Karli. Une manifestation dont le caractère spectaculaire est lié aux sacrifices d’animaux en grand nombre : cabris et coqs amenés par les fidèles.
Difficile d’estimer la quantité de bêtes décapitées rituellement pour l’occasion. Hier certains officiants avançaient les chiffres de quelque six cents boucs et deux mille coqs.
Pendant les trois heures environ que les sacrifices ont duré, dans la matinée, une douzaine de « coupeurs » se sont succédé à la tâche, tranchant les têtes de cabris d’un coup puissant et unique de leur grand sabre recourbé, pointe vers le bas. Les coqs, eux, sont décapités par un simple passage de la lame sur le cou.
« C’est pour que Karli m’accorde force, courage et surtout santé »
Les officiants évoluent au milieu des prières, au rythme des tambours et de la cloche cérémonielle. Dans l’air se mêlent odeur de sang chaud et fumées d’encens. Simples spectateurs ou participants actifs, généralement habillés de rouge, déambulent pieds nus sur un sol rouge de sang, régulièrement nettoyé à grande eau. L’ambiance allie ferveur et convivialité.
Chaque fidèle repart avec son animal, souvent chargé dans une brouette pour les cabris ou placé dans une « tante » pour les coqs ; il sera mangé en famille le soir, dans un massalé placé sous le signe du partage.
A travers ces offrandes animales, les fidèles se placent sous les bons auspices de Karli. « C’est pour qu’elle m’accorde force, courage et surtout santé», explique Céline Nabaha. Accompagnée de son fils, cette Sainte-Suzannoise indique venir chaque année.
Si les sacrifices d’animaux débutent traditionnellement le 2 janvier, la fête de Karli à Bois-Rouge est loin de se limiter à ce seul évènement. Les cérémonies commencent le 25 décembre par divers rituels qui marquent l’entrée des fidèles en carême, indique Harry Atchama, secrétaire de l’association du temple.
Des prières ont lieu tous les soirs. Le 1er janvier, la statue de la déesse est sortie de son sanctuaire et promenée en procession dans la cour du temple. Le 2, après les sacrifices, le chariot quitte le temple pour une nouvelle procession jusqu’à la rivière : à Camp Malheur, où se déroulent de nouveaux sacrifices d’animaux. Sur le trajet, les têtes des boucs sont distribuées à des familles.
Aujourd’hui, Karli va rejoindre son sanctuaire. Demain, de nouveaux sacrifices seront organisés, cette fois en l’honneur des autres divinités du temple. Un grand repas collectif organisé par l’association clôturera les festivités.
Quant aux menaces sur le respect des rituels traditionnels que faisait planer, l’an dernier, un arrêté préfectoral lié à la réglementation européenne, elles n’ont plus lieu d’être, assure Harry Atchama.


A dvper : La réglementation et le sacrifice dans la communauté musulmane de La Réunion

Le bœuf (c'est le sacrifice d'un bœuf et non d'un mouton qui, à La Réunion, commémore le sacrifice d'Abraham), engraissé à Salazie était sacrifié sur l'espace public de Champfleuri.
Aujourd'hui, les musulmans qui n'ont pas de "cour" peuvent passer commande d'un quartier de viande d'un animal traité à l'abattoir de Saint-Pierre.
Documents à commenter :
- Note d'information de l'abattoir de Saint-Pierre pour la fête d'Abraham, novembre 2010, qui précise :
• qu'"un couloir de visite permet de suivre toutes les étapes derrière des vitres",
• que "l'animal ne sera pas assommé",
• que "le sacrifice sera assuré par le salarié Musulman chargé d'effectuer cette opération pour l'abattoir",
et qui conseille
• de "ne pas faire abattre des bovins de plus de 48 mois afin d'éviter le délai de l'analyse ESB" [J+2].
- Communiqué du Conseil Régional du Culte Musulman de La Réunion, 11 novembre 2010.
- Communiqué Qurbani : comment "offrir un animal en sacrifice" si : "absence de cour ou d'espace approprié ; habitation en immeuble collectif ; peu ou pas de main-d'œuvre ; moyens financiers insuffisants pour acheter un animal entier, etc...".

De fait, on préfère garder l'animal quelques jours dans sa "cour" afin de se familiariser avec lui.
Dans l'abattage traditionnel, on laisse libre l'une des pattes de l'animal entravé, afin qu'en se débattant il se libère de son sang, considéré comme impur.





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