Accueil
Droit
Madagascar
Copyleft : Bernard CHAMPION

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après
2- Barreaux (en construction)
architecture créole
3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)
4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)
5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)
6- Ethnographie d'une institution postcoloniale :
Contribution à l'histoire de l'université de la Réunion (1991-2003)
7- Le grand Pan est-il mort ? :
hindouisme réunionnais, panthéisme, polythéisme et christianisme

Fiche de lecture (B. C.)


Note de lecture de l'ouvrage de B. Boutter

"Le pentecôtisme à l'île de la Réunion"
L'Harmattan, 2002

“La médecine est une religion appliquée” (constat statistique de Murdock - où ?)

L'ouvrage de BB sur le pentecôtisme à la Réunion (la mission Salut et Guérison) offre un panorama culturel et religieux de l'île et met en avant :

- l'environnement persécutif de l'imaginaire créole,
- la relation essentielle entre religion, maladie et identité (rapport à l'ancestralité).

Un « coup de génie » du fondateur de la Mission, pbbt inspiré par l'accroche et le succès des ADD en Afrique est de titrer sa mission, non pas ADD mais Mission Salut et Guérison, faisant de la maladie sa principale cible. Echo immédiat dans la population locale.

La presque totalité des conversions a la guérison pour objet. L'exception de Jacqueline…
Ce sont des malades qui sont guéris grâce à la Mission… Les croyants sont d'anciens malades.

De quelles maladies s'agit-il ?

Alors que, dans les sociétés traditionnelles, les ancêtres, rituellement et régulièrement honorés sont protecteurs, on retire ici l'impression que les défunts (qui ne sont pas nécessairement des « mauvais morts ») sont source de troubles divers et notamment de manifestations associées à la possession.

Un nombre significatif de fidèles de la Mission paraît s'être converti à la suite d'une guérison attribuée à la Mission ou à son pasteur.

La Mission participe de l'imaginaire créole dans sa croyance aux esprits et à la capacité des ancêtres à agir sur leurs descendants. Mais elle classe ces êtres dans la catégorie des créatures diaboliques, instrument de Satan.

Son mode opératoire : la glossolalie, l'imposition des mains et l'imprécation, la croyance en l'idée que le corps est le temple de Dieu, la croyance en la parole et la présence de Jésus…

*

1966 : le pentecôtisme apparaît à la R. sous l'impulsion d'un pasteur venu de métropole : Aimé Cizeron qui fonde la Mission Salut et Guérison.
20.000 fidèles baptisés.
Quels sont les facteurs de cette expansion dans une île où le protestantisme n'a jamais eu qu'une présence extrêmement réduite ? (9)
« Ce mvt a pbbt récupéré, par l'intermédiaire de ces communautés religieuses afro-américaines à la ferveur très émotionnelle, une partie de l'héritage culturel africain accordant une place centrale à la transe, aux rêves, aux visions, à la guérison. Sa spécificité, par rapport au christianisme « classique », réside en effet dans la croyance en un univers surnaturel en constante interaction avec l'existence humaine quotidienne… action d'entités maléfiques (maladies, possessions, etc.) ou à l'inverse par les « dons du Saint-Esprit » aussi dénommés « charismes » (glossolalie, don de prophétie, don de guérison, etc.) »
Or, les préoccupations thérapeutiques occupent une place centrale dans cette société où le catholicisme populaire, avec ses nombreux intercesseurs, recouvre un ensemble de croyances qui expliquent la maladie et l'infortune en général par la sorcellerie et l'action des esprits.
Un terreau ; mais aussi une solution de continuité avec le monde créole traditionnel. (10)
L'implantation pentecôtiste s'effectue à un moment charnière de l'histoire de l'île. (11)
La départementalisation.
Du fait du métissage, il ne saurait être question de « communautés ethniques ». Des groupes d'affiliation aux contours plus ou moins précis, porteurs de traits culturels qui constituent des repères de l'identification. (11)
Les termes cafre, malbar, créole blanc, chinois, zarab, le R. opère des distinctions en fonction de critères phénotypiques. Il parle de « race », « race cafre », race malbar »… Cette classification suppose des représentations stéréotypiques partagées. (13)
L'émergence d'une identité créole se révèle avec l'arrivée d'un cinquième terme : l'arrivée du zorey avec la départementalisation. Le terme fait front en unifiant les insulaires "contre" (au plan cognitif) les allocthtones. (13)
Le sentiment d'identité associé parfois à la revendication ou au poids d'un héritage ancestral continue à définir l'homme réunionnais.
« L'homme réunionnais » (l'expression devient un slogan avec le sénateur Éric Boyer) est un produit de la départementalisation et de la décentralisation : il met face à face le « zoreil » et le créole, « zoreil » dont l'identité et la position sociale suscitent une réaction d'identité qui unifie les différentes composantes de la population, jusque-là divisée en stéréotypes (nation/contre-nation) en un jeu fermé et reproductif. Le zoreil fait le créole au sens nouveau de ce mot – qui désignait restrictivement le blanc né aux îles – pour qualifier un type métissé propre à représenter une sorte de moyenne îlienne.
La société coloniale, fondée sur l'économie de plantation, cette machine à broyer qui unifie sous son axe tous les rouages qui lui sont nécessaires (opposition Gros blancs / Petit moun) se trouve redistribuée par l'entrée de la colonie dans le système administratif.
Pour expliquer l'échec des partis de droite aux élections cantonales de mars 1994, le député-maire de Saint-Denis, socialiste, explique (en réponse à des “lecteurs choqués” par sa déclaration que leurs candidats ne correspondaient pas à la “réalité réunionnaise” qui est “une réalité métisse et colorée”) que “le RPR local a commis une erreur de marketing en présentant huit candidats blancs sur les huit cantons de Saint-Denis. Ce choix, qui n'est pas le fait du hasard, révèle une forme de myopie politique, une vision décalée par rapport à la réalité. La société réunionnaise est bien entendu blanche, mais aussi métisse et colorée. Dans une démocratie représentative, il est opportun que chacun se retrouve dans la représentation politique”. En 1989, le même s'était “félicité” d'être “le premier maire cafre de la plus grande ville française de l'outre-mer” (Le Quotidien du 6 avril 1994).

Cizeron bénéficie de l'aide logistique de l'Action Missionnaire des ADD de France (Cizeron, 1992).
Il s'envole pour l'île le 2 juin 1966, le lendemain du lundi de Pentecôte. Pour Cizeron et ceux qui l'envoient, la Réunion est alors une terre abandonnée à Satan. Il faut arracher les R. aux mains des démons qui les rendent malades, infirmes, gâchent leur vie par les vices dont l'alcoolisme. C. évoque l' « offensive divine » sur la Réunion (1992 : 33) « J'ai toujours considéré cette entreprise comme une offensive et un combat ».
Les statuts déposés en préfecture : « Assemblées de Dieu de la Réunion », mais la mission se fait connaître par l'appellation « Salut et Guérison ». Importance des préoccupations thérapeutiques dans le contexte culturel réunionnais. (16)
La mission s'installe près de la gare routière : « Les passagers voyaient notre banderole « Mission Salut et Guérison » si bien que très vite la nouvelle fit le tour de l'île. » (C. 47)
Les difficultés rencontrées, opposition, dissidence, sont présentées comme le fruit de la résistance de Satan à l'avancée de l'évangélisation ?
Le Port, bastion communiste et son matérialisme athée. (23) Saint André capitale malbare : la Mission et la puissance divine contre le paganisme et les démons cachés derrière les divinités malbares. (22)
L'action de la Mission à Maurice : dès que « l'île a été 'ceinturée', j'ai littéralement bondi à Maurice pour la mission d'ouverture. (C. 102) La situation mauricienne le motive spécifiquement : « Le parti des Indiens et de l'Indépendance étant passé, nous ne voulions pas tarder à prêcher l'évangile à l'île Maurice. » (C. 101)

La Mission regrouperait 40.000 personnes mais concernerait 60.000 personnes.
Il est indéniable que la Mission fait partie du paysage réunionnais. (26)

Le pasteur offre un modèle familial. (27)

Les groupes charismatiques. Voir le mémoire de M.J. Fortin, L'église catholique et la sorcellerie à la Réunion. (31)

Orientations théologiques
Christianisme trinitaire qui accorde une grande importance à la personne de Jésus. Pour pouvoir se dire chrétien l'individu doit reconnaître Jésus comme sauveur personnel et accepter de suivre ses enseignements évangéliques. Le croyant accède alors à une relation personnelle et intime avec J.-C., considéré comme vivant, présent désormais à chaque instant de sa vie. (32)
On retrouve dans le pentecôtisme les deux caractéristiques majeures de l'univers religieux protestant :
la Bible, source de vérité et un individualisme religieux qui désacralise les médiations institutionnelles et cléricales. (33)

Le salut est ouvert à tous les hommes. L'individu devient un « juste » « lavé de ses péchés » lors de sa conversion obtenue par la foi en Jésus-Christ.
La particularité par rapport aux Églises chrétiennes « classiques » y compris par rapport aux autres mouvements évangéliques, réside surtout dans l'expérimentation des différents charismes, dons spirituels évoqués dans la Bible (les neufs dons énumérés dans Paul, 1, Corinthiens 12).
Le « parler en langues » est considéré comme le signe initial de ce baptême.
Chez un croyant en prière cherchant un contact mystique avec Dieu, la pratique glossolale consiste à émettre, en état de transe plus ou moins profonde, des sons simulant une langue inconnue. Habituellement, surtout dans les ADD, il s'agit d'une transe d'inspiration sans perte de conscience et sans amnésie consécutive : le pentecôtiste laisse couler le flux sonore hors de sa bouche sans en contrôler le contenu mais en ayant la possibilité d'y mettre en terme à volonté. (34-35)

Implantation dans le contexte insulaire
Monopole de l'Église catholique. Double fidélité des engagés.
En rejetant le baptême de Rome, en particulier le baptême des enfants qui fait entrer automatiquement dans cette confession, sans qu'il soit question d'un choix volontaire, le pentecôtisme brise le consensus intégratif dans le tissu social insulaire. (37)

Les critiques du catholicisme. L'acceptation de l'“idolatrie”, p. ex. Le culte des saints et l'adoration des statues, les pratiques superstitieuses de la religion populaire. Il faut rejeter la magie et les “garanties”…
Les pratiques dédiées aux morts qui sont un élément essentiel du religieux réunionnais de toute origine, les prières pour les défunts sont vigoureusement mis en cause. Les défunts ne peuvent pas plus intervenir dans le monde des vivants que ceux-ci ne peuvent influer sur les morts. Le culte des morts n'est pas une pratique évangélique.
Le pasteur G. :
“C'est que le Malin, c'est la puissance mauvaise qui vient dans la vie de la personne, qui se fait passer pour ça. Il parle, il prend la voix même de la personne pour parler.” (40-41)
Pour ce pasteur, le gourou, cet esprit ancestral est une manifestation du diable. “C'est le parent qui dit : voilà au sujet d'un tel, ceci. Donc les gens pensent que c'est ça… Non, c'est la puissance satanique qui prend la voix.” (41)
“Les soi-disant esprits des ancêtres avec qui ils sont en relation sont tout simplement des démons.” (un autre pasteur).
Le recours aux guérisseurs, aux exorcistes, aux protections magiques est rejeté.
Le pasteur G. :
Ce n'est donc pas Dieu que les Tamouls adorent à travers leurs divinités, mais des esprits mauvais. (43)
Reproche à la religion catholique d'avoir toléré la double pratique religieuse. (44)
Piétiner la garantie donnée par le prêtre malbar permet la libération de la possession. La garantie est en quelque sorte la matérialisation des chaînes grâce auxquelles les puissances démoniaques assurent leur emprise sur la jeune fille. Cas rapporté par Cizeron (45-46)
Il y a un dieu : contre les ti bon dieux de la dévotion populaire et les bon dieux malbar.
Contre les esprits des défunts vénérés après leur mort, type Père Lafosse, Laval, Scublion;
Un seul médiateur entre Dieu et les hommes : J.-C.
“Il y en a qui prétendent voir Dieu sous une forme d'un homme, d'une femme, d'un animal, d'une roche ou je sais pas quoi. On ne peut pas voir Dieu sous une forme quelconque. Voilà, personne ne peut voir Dieu, Il est un Esprit, un Esprit n'est pas visible.” (48)
“On lui montre un galet et on lui dit : “Mets un cordon rouge autour du galet, prosterne-toi devant, c'est un dieu”, il le fait. On lui dit : “cette vache-là, c'est un dieu, il faut le prier […] L'autre dit mais non, c'est le singe qui est dieu. Il croit. Un autre dit :“c'est le soleil qui est dieu, et dans le monde entier, chacun a son dieu selon son imagination, ce qu'il croit bon.” (49)

La place de la Mission parmi les systèmes thérapeutiques
La M. met plus l'accent sur la guérison que les ADD métropolitaines. Bcp de Réunionnais ont découvert la M. du fait de ses prétentions thaumaturgiques. (51)
D'après les croyants, pour un non converti, le mal peut provenir de l'emprise d'un esprit démoniaque à cause des péchés commis et se manifester, au pire, par la possession. Cette domination satanique disparaît normalement au moment de la conversion, lorsque l'individu acquiert son salut. (53)
Cizeron donne de nombreux exemples de guérisons miraculeuses : prière de guérison avec imposition des mains. (54)
Les notions de possession et de maladie sont intriquées à la Réunion. Exorcistes dans les différentes communautés, chrétienne comprise : Mme Visnelda. (56)
En milieu afro-malgache. Les kabar ont aussi une fonction thérapeutique : possession par l'esprit des défunts. Le samblani des Malbars. La fête des ancêtres des Chinois…
“La maladie a un rôle social considérable, en ce sens qu'elle devient , dans des sociétés créoles extrêmement fluides, le gardien des fidélités culturelles et que son système de prise en charge est un référent identitaire fort.” (Benoist, 1993 : 43)
Si l'on se fonde sur les propos des convertis, ceux-ci présentent en général la mission comme le dernier recours. (nbx ex. Chez Truong, 1980 : 30, 34, 60, 87)
“Il était vraiment à fond dans la religion tamoule, mais plus il faisait et plus l'enfant était malade…“ (61)
“… et là, ils m'ont envoyée à la Mission. Là, Dieu m'a relevée, m'a guérie.” Etc.

Une église et ses fidèles
Les fidèles se dénomment “frères” et “sœurs” (68)
… un nouveau temps de prière d'où émergent qq parlers en langues. Certaines de ces glossolalies sont susceptibles d'être explicitées grâce au don d'interprétation des langues. Parfois, lors des réunions de prière, le pasteur demande si quelqu'un a une “parole sur le cœur” - une prophétie - qu'il voudrait faire partager à l'assemblée. (70)
Le prêche. L'auditeur, s'il n'est pas converti, est amené à admettre qu'il n'y a que deux alternatives : accepter Dieu ou le refuser. (71)
Lors des réunions d'évangélisation, le prédicateur demande à ceux qui se seraient sentis “touchés” et qui désireraient répondre à l'appel de Dieu de se mettre debout ou, plus svt, de lever simplement la main, “pour faire un signe”, les têtes du reste de l'assistance restant baissées : “Les autres ne vous voient pas, mais faites un signe devant Dieu, Dieu vous voit… Levez simplement la main et rebaissez-la.” (71)
Lors des réunions de prière, la prédication est plustôt destinée aux fidèles. Lors des cultes, après la prédication, a lieu la Sainte Cène. Des fidèles, uniquement des hommes, anciens dans la foi, passent dans l'assemblée avec un verre de vin rouge et une corbeille contenant des morceaux de pain. Offrandes. A la fin de certains cultes, la prière de guérison avec imposition des mains est remplacée par l'onction d'huile, le pasteur fait cette onction avec le pouce sur le front des fidèles, souffrant de maladie, qui se sont avancés tout en prononçant d'une voix forte, une prière pour la guérison ou la libération semblable à celle qui accompagne l'impostion des mains. (73)

Le ministère pastoral
Le pasteur est la référence ultime. Il jouit d'un grand prestige.
Les pasteurs offrent l'image de la famille idéale.
Un de ses principaux rôles se situe dans le champ thérapeutique, par la pratique de l'imposition des mains ou de l'onction d'huile, en réunion ou en visite. L'exorcisme, par la prière de délivrance est également de son ressort.
Parallèle avec les guérisseurs :
Election par le monde surnaturel. Appel divin.
Comme les devineurs, ils mettent du sens sur les infortunes et les messages surnaturels peu explicites. Certes, dans le cas d'une assemblée, les pasteurs ne sont pas les seuls à qui ces capacités soient reconnues. (75)

Les adeptes
Une famille d'origine afro-malgache. Avant de devenir penteôtiste, cette famille pratiquait le culte des morts en cie de la famille étendue du côté paternel. L'héritage revendiqué était uniquement malgache. Investie en même tps dans la religion catholique, la famille I. s'adonnait également à certains rites thérapeutiques empruntés aux Indiens tamouls. (78)
Une famille d'origine indienne tamoule. Sa sœur convertie y a trouvé la délivrance d'une possession. Elle-même “un peu possédée”, Francine avoue sa participation à des patriques malbares. Elle dépensait bcp d'argent, en vain. Depuis sa “rencontre avec le Seigneur“ abandon des cérémonies religieuses tamoules.
Une famille créole blanche. A l'époque, sa sœur était atteinte d'une très grave maladie devant laquelle les médecins se déclaraient impuissants. Pour J. cela ne fait pas de doute, sa sœur était en proie à des puissances maléfiques. Des “sorciers” malbares qui exigeaint de fortes sommes d'argent étaient consultés sur les conseils de l'entourage. Des pasteurs, appelés par la famille sont venus prier au domicile de la souffrante. Amélioration ; les deux sœurs ont décidé de se convertir. (80)

La situation sociale des convertis
Dans le contexte de la départementalisation aucune véritable dynamique de développement économique n'a été mise en place. Une économie fondée sur le transferts. Basculement dans une situation de non-activité dévalorisante. Alcool, jeux…
A l'inverse, dans le P. les adeptes sont incités à échapper au fatalisme qui imprègne la société créole. “Rien n'est impossible à celui qui croit”. “Le travail est une institution divine. Dieu n'a jamais fait l'éloge de la paresse… (83-84)
Economie réalisée avec l'abandon des pratiques traditionnelles, en pure perte (passim) (85)
La participation aux frais de la Mission.
Selon Cizeron, les membres de la mission éduquent mieux leurs enfants qu'avant la conversion.
L'appartenance crée de nouveaux réseaux de solidarité permettant de mieux faire face aux difficultés de la vie. (88)
Au Brésil “le P. apporte des solutions réelles à des situations de pauvreté et d'atomisation sociale […] et une “dignité”… (A. Corten) (88)
Au lieu de réinsérer les individus en souffrance, (la possession traitée) dans les groupes familiaux et ethnoculturels traditionnels à la manière des guérisseurs, le P. leur propose d'intégrer désormais ses propres réseaux de sociabilité. (89)

La place et le statut des femmes

Itinéraires de conversion

Il est question, le plus souvent, d'une quête de guérison, physique et psychique, qu'elle ait concerné personnellement l'individu ou un de ses proches, et du désir de trouver une solution à certains problèmes de la vie quotidienne, dans la famille ou dans la vie sociale et professionnelle. (93)
“Ma mère est tombée totalement infirme, à 100 % […] des frères… tout ça a disparu […] Donc maintenant, on a décidé d'abandonner complètement les coutumes religieuses tamoules pour se mettre au service de Dieu.”
Envoûtement de Germain.
Référence fréquente à l'emprise d'un esprit maléfique pour justifier le recours à la M. semble bien plus fréquent dans le contexte réunionnais que dans les ADD métropolitaines. (94)
Il apparaît que la conversion pentecôtiste ne modifie pas fondamentalement les croyances traditionnelles créoles quant aux envoûtements. (95)

Les intermédiaires
Prosélytisme de l'entourage. Cadre familial. Parfois l'“inconverti” accepte que le pasteur vienne prier pour lui, comme dans l'ex. D frère de Nicole en proie à un mauvais esprit. (97)
André, d'origine malbar, délivré dès sa première venue dans l'assemblée suite à l'imposition des mains effectuées par des pasteurs. (98)
Rôle des femmes dans l'expansion pentecôtiste. Constat identique dans les ADD à travers le monde. (note 102)

Conversion et baptême d'eau

Rejet des anciennes pratiques magiques et religieuses

“Avant on était catholique romain, et puis on faisait un peu de cérémonies indiennes mais depuis qu'on est convertis au Seigneur on a arrêté toutes ces choses-là […] aller tomber devant les statues, prier les statues, on fait plus tout ça.” (108)
A l'Eglise catholique, il n'y a pas de “puissance”, le prêtre n'est le médiateur d'aucune “puissance”. Propos d'André :
“la religion c. ne m'a pas aidé […] Il n'y a aucune puissance dans la religion catholique. J'ai brûlé des bougies, le matin j'ai prié, tout ça, devant il y avait un crucifix, mais ça ne me faisait rien. […] le prêtre qu'il chante, qu'il fasse n'importe quoi… il n'y a rien, le prêtre n'a aucune puissance.” (109-110)
Rejet des pratiques traditionnelles
Janine… pour améliorer son existence, elle pratiquait, avant de devenir “chrétienne”, les rites classiques de la religion populaire réunionnaise : elle allait prier les saints, notamment StExpédit, et allait faire des “promesses” à la Vierge noire de la Rivière des Pluie ; ellait consulter des guérisseurs qui lui faisaient payer très cher des “garanties”. (110)
Une autre famille mentionne sa pratique antérieure de service afro-malgache.
Abandon des pratiques tamoules…
Si le pasteur G. s'attarde à décrire les rites auxquels il s'adonnait avant sa conversion, mettant l'accent sur leur côté spectaculaire, c'est pour en faire ressortir le caractère diabolique.
“On mettait des aiguilles.. je trainais un chariot accroché dans ma peau…”
G. pouvait supporter la douleur du fait, selon lui, de la puissance démoniaque qui le possédait et qui se manifestait, raconte-t-il sous la forme d'une “boule” au niveau de la nuque. (112)
“Ma sœur était poursuivie par de mauvais esprits… ”
La recherche de la guérison tient une place prépondérante.
Histoire du pasteur G. Itinéraire exceptionnel : de pusari à pasteur d'une assemblée pentecôtiste. (114)
Un pasteur stagiaire de l'assemblée de Grand Bois, lui aussi d'origine tamoule. (115 s)

Les “rétrogrades”
Sont censés retomber sous le pouvoir de Satan.
Une fille de rétrogrades, revenue à la Mission à la suite d'un “vide spirituel”, mais surtout à la suite d'une douleur somatique dont les médecins étaient incapables de trouver l'origine. (120)

L'ethos pentecôtiste

Un idéal d'harmonie
Les messages adressés à Dieu. “Il y a des gens qui pratiquent la religion tamoule. S'ils ont manqué leur sacrifice, ils ont peur. Avec Dieu, c'est marcher dans la foi et puis c'est tout…” (124)
Cizeron, relatant l'évangélisation de l'île Maurice : “La lumière était évidente du fait que nous insistions sur le pardon que l'on reçoit par le sang du fils de Dieu. Ils avaient, quant à eux, l'habitude de sacrifier un cabri. La différence était éclatante.” (1992 : 129). Être converti ne signifie pas suivre un ensemble de rites. Le P. abolit les trois démarches complémentaires au cœur de la religion populaire réunionnaise : promesse, carême, service. Nul besoin de promettre des offrandes ou des rites à une divinité, d'abstinence, de privation. Seule compte la foi véritable. (125) C'est le caractère volontariste de l'investissement religieux qui fait la différence avec les pratiques routinières des superstitions reposant sur de contraintes. La guérison divine n'est pas conditionnée par des rites ou des coutumes. C'est l'intentionnalité du rapport à Dieu qui fonde la validité de la conversion. Elle fonde aussi la validité de la conversion des enfants de croyants. (contre l'automaticité du baptême des enfants) (125)
Les prières indviduelles et collectives sont les vecteurs privilégiés de la foi et de la ferveur des croyants.

Inspiration divine, rêves et visions
La conviction intérieure. Lorsque le dialogue est constant entre Dieu et le chrétien, il est dit que celui-ci “marche dans l'Esprit”, ou “vit dans l'Esprit”.
Le P. réintroduit dans le christianisme ces manifestations du surnaturel tenues en suspicion pdt des siècles, y compris dans le catholicisme, tolérées uniquement chez les grands mystiques. (127)
La plupart des convertis font l'expérience du “baptême de l'Esprit” au cours duquel ils se mettent pour la première fois à parler en langues.
Plusieurs avouent leur difficulté, voire leur réticence à acquérir ce charisme ou à l'exercer. Non indispensable.
Signes tangibles de la présence divine dans le corps même du fidèle.
Ce signe est destiné non seulement au fidèle lui-même, mais aussi aux autres adeptes ainsi qu'aux non-pentecôtistes. Signes tangibles de la “délivrance” et de l'onction spirituelle du croyant. (131)

La guérison
“Jésus sauve, Jésus guérit, Jésus libère”. La divinité n'est jamais considérée comme l'agent de la maladie. Elle laisse temporairement le champ libre aux puissances démoniaques. La maladie est conçue comme une agression du corps, comme l'intrusion d'un élément exogène néfaste qu'il faut chasser pour retrouver l'intégrité. (133)
Le corps est le “temple du Saint-Esprit”.
Guérison par les prières du malade ou par l'intercession d'un membre de l'Eglise. Exemples…

Les relations au sein des assemblées et des cellules familiales
L'Eglise est perçue comme une famille : frères et sœurs ; elle est comme le corps du Christ dont chaque fidèle est un membre au sens organique du terme. (135)
Les activités au sein de la communauté.

Les commandements évangéliques
Valeurs morales rigoureuses héritées du puritanisme. Tranche avec l'environnement réunionnais, dans une société où la proprotion des mariages et des naissances légitimes a baissé de façon sensible au profit des unions libres et des naissances hors mariage depuis la départementalisation : 18,è % de naissance hors mariage en 1951, 20 % en 1967, 31 % en 1974, 54 % en 1993, 57,3 % en 1999 (INSEE).
Règles sévères qui entraînent une coupure morale entre les fidèles et “le monde”. (139)
Le modèle : la famille du missionnaire.

Les relations avec l'entourage non-pentecôtiste
Prosélytisme par l'exemple et évitement des conflits.
Relations avec la parenté non convertie.
La cour à la réunion, scène de la religion domestique. (151) Dans cet espace, alors que les non-croyants ont un mode de vie communautaire, la famille convertie est réglée par un fonctionnement nucléaire. L'autorité est masculine, de type patriarcal. (152)
Cette rupture engage aussi le lien vertical qui unissait les générations. (156)

Les vivants, les morts et la contruction identitaire
L'oubli des cérémonies en l'honneur des morts induit maladies ou infortunes.
Jacqueline : un rapport conflictuel avec les ancêtres. Elle dépensait de fortes sommes pour les cérémonies en l'honneur des morts (service kabaré). Ces services ont contribué à la ruiner sans qu'elle ne voie le bénéfice. “J'étais possédée, je faisais bcp de choses pour le mort, et en plus je n'ai pas vu de bénéfices grâce à ça. Au contraire, ça me “détruisait” […]
Rose-Marie, vicitme d'une “préparation” amenée de Madagascar (J. Andoche) (1993 : 164).
L'esprit du père : des pratiques magiques ayant mal tourné. (160)
Gilbert : une persécution par l'âme du père mort. (161)

Le sort des défunts dans l'au-delà.
Lorsqu'un croyant décède, il est censé être enfin pleinement “dans la présence de Dieu”, un “juste”. Ceux qui ont refusé de prendre de leur vivant la décision personnelle pour être sauvés ne pourront l'être. De ce fait, après leur mort, il est trop tard et aucune prière ni aucune messe de la part des vivants ne pourront leur apporter le salut. A l'inverse de leurs descendants, ils ne feront jamais partie de la communauté des chrétiens. (161)

Diabolisation des manifestations traditionnellement imputées aux morts
Exception de Samuel qui croit encore à la possibilité pour les morts d'interférer avec le monde des vivants.
“Savez-vous pourquoi on fait le service cabri ? C'est pour les morts […] Avant d'aller offrir le cabri au temple là-bas, on va prendre la permission avec la personne morte… Enfin, on invoque l'esprit du mort pour venir sur… après le sang on donne, on donne aux esprits morts à boire. C'est ça qui n'est pas bon avec le Tamoul.” (165)

Rejet des cultes rendus aux défunts
Rejet des messes pour les morts des chrétiens, des services kabar, des sanblani. Même les simples visites sur les tombes font l'objet d'un net rejet. (167)

La rupture du pacte avec les ancêtres et la protection divine
Se convertir paraît avoir représenté pour G. le moyen de se libérer des liens qui le rattachaient à ce qu'il considère désormais comme des “puissances mauvaises” en se mettant sous la protection d'un pouvoir estimé par lui supérieur à ces entités : celui du Saint-Esprit.
Risques encourus par celui qui rompt le pacte : une gêne au niveau du cou qui donne l'impression que celui-ci va se fracturer (“casse colet”), une imitation du cri du cabri (malgache) ou du chant du coq (malbar) qui constitue “un appel au retour à la religion des ancêtres”. (169)
Intégrer la vision du monde pentecôtiste n'implique pas la négation de ces conséquences, mais au contraire la reconnaissance de leur réalité, avec, toutefois la certitude d'en réchapper grâce à l'Esprit-Saint. (171-172)
Les esprits mauvais ne peuvent rien contre le pouvoir divin. L'issue est donc certaine.
Jacqueline, réunionnaise “moderne” “Je m'enorgueillissais, parce que je disais :“moi, je ne suis pas venue à la Mission parce que j'étais malade… Un jour, j'ai ma petite fille qui est tombée malade… (176)

L'Esprit-Saint, les démons et les morts
“Un mort ne peut pas guérir… Il est mort le Père Laval.” (179)
D'autres manifestations essentielles de l'Esprit, comme les glossolalies, substitut des ancêtres sous leur aspect bénéfique ? A la différence de la crise ou de la possession, la louange glossolale est l'expression d'une relation en parfaite harmonie entre le Pentecôtiste et Dieu. (181)

Pentecôtisme et identité
La conversion entraîne d'importantes répercussions ence qui concerne le champ identitaire, alors que cette question est source d'indéniables problèmes dans le contexte réunionnais. (181)

De la difficulté à gérer deux héritages : les problèmes liés au métissage
Grâce au fond commun créole, rites vers les deux lignées sans contradiction.
Difficulté de cette double appartenance. Un catholique avec des origines tamoules refoulées… Le possédé était persuadé que de “grands cheveux de Malbar” sortaient de lui : inscription fantasmatique, sur le corps même de cet homme, des ses origines refoulées. (183)
Le pasteur G. renie ses origines malbares. Il ne se considère plus comme Tamoul
- Mais vous, vous êtes d'origine malbare ?
- Comment ? Moi, non, monsieur. Ce sont mes ancêtres.” (184)
La Mission répond manifestement, dans un certain nombre de cas, à des stratégies plus ou moins conscientes visant à rompre avec son groupe d'origine. L'Eglise pentecôtiste est perçue comme un espace de protection contre les conséquences néfastes de cette rupture.
Il s'est converti à la Mission parce il y a trouvé le moyen efficace de rompre le pacte avec les divinités tamoules et les ancêtres.
Le P. offre aux croyants la possibilité de transcender le mal-être identitaire dans le contexte réunionnais, par l'intégration de l'identité chrétienne fondée sur des référents religieux. L'individu cesse de se résigner à un rôle modelé par sa trajectoire personnelle, mais surtout imposé par sa place dans la société et par les vicissitudes de l'histoire.
Dépasser le mal-être lié à l'intégration d'une image individuelle et collective dévalorisante. Le groupe cafre. (187)

Pentecôtisme, tradition et modernité

A la mission, le français est la seule langue a avoir droit de cité dans le cadre des célébrations. Les prédications sont en français, alors que presque tous les pasteurs sont créoles et qu'un certain nombre de fidèles a pbbt qq difficulté à cp parfaitement cette langue, surtout les plus âgés.
La langue maternelle et usuelle de la quasi-totalité de l'assistance est indéniablement dévalorisée lors des réunions.
Français liturgique, par opposition au créole de l'entre-soi. (193)
Exclusion compensée par les pratiques glossolales ? Les prières se font dans un continuum sonore indifférencié.

Les bouleversements d'une société en crise
Pour les R. l'enjeu consiste à trouver les moyens de s'adapter à la nouvelle donne de cette société anomique, irrémédiablement sortie du modèle traditionnel.
Forte croissance des espaces urbains. Economie d'assistance. Chômage masculin, indépendance économique des femmes grâce aux aides sociales. Matrifocalité. (197)

Pentecôtisme et individu
L'affiliation à la Mission est volontaire. L'individu détient la décision intime qui l'amène à se convertir. (199)
La mutliplication des dissidences repose sur la capacité de chacun de s'approprier le texte biblique et de se proclamer “interprète de la Parole de Dieu”.
C'est l'inspriration de l'Esprit-Saint qui éclaire le fidèle.
Un nouvel enracinement identitaire en accord avec les valeurs de la modernité. (205)
Le groupe d'affiliation ethno-culturel perd sa place. Se convertir permet aux fidèles de s'insérer dans un espace, celui de l'assemblée, où, comme dans la société post-industrielle, s'estompent les frontières entre cafre, malbar, chinois : les membres de l'Eglise sont “frères et sœurs en Christ”. Une identité chrétienne fondée sur des critères religieux.

Dans le P. l'étiologie est tout à fait similaire au mode de pensée traditionnel. Mais une différence fondamentale : le Saint-Esprit investit le croyant et il est extérieur à l'individu lorsque le contrat n'est pas établi (avant la conversion) et lorsqu'il est trahi. A l'inverse, en milieu traditionnel, lorsque le contrat est respecté entre les défunts et leurs descendants, l'esprit du mort reste extérieur au vivant. Il se manifeste lorsque le contrat est rompu. (209)

En milieu créole, la notion de responsabilité est liée à la non-observance des rites envers les défunts davantage qu'à un comportement contraire à la morale ou à des actions jugées mauvaises, comme c'est le cas dans le P.

Dans les deux cas “l'interprétation du malheur évoque davantage le registre de la relation persécutive […] L'origine des troubles est toujours le fait d'un élément allogène (esprit ou démon).” (cit. 211)

Par sa capacité à effacer la dette envers les ancêtres, la conversion rend ces rites obsolètes en faisant disparaître, chez la plupart des fidèles, le sentiment de culpabilité envers les ascendants décédés. Facteur d'autonomisation des sujets. (ex.)

Sécularisation ou persistance du religieux ?

La métaphorisation des expressions religieuses
Les religions de la modernité seraient des religions “métaphoriques” ou en voie de “métaphorisation”.
Cela concernerait non seulement les nouveaux mouvements religieux, pais aussi les religions institutées prises dans un processus où les élements des croyances religieuses ne sont plus données comme des réalités, mais comme des images intellectualisées, des allégories. Cette religion métaphorique serait non un résidu du passé, mais le dispositif structurant du religieux moderne. J. Séguy met en cause “le phénomène d'intellectualisation et de rationalisation des processus de connaissance” dû à la modernité et se pose la question de savoir si ce processus ne voue pas les religions “à une nécessaire métaphorisation”. (218)
Les esprits sont-ils des allégories ou des réalités ?
Aubry ne met pas en doute l'existence rélle des entités démoniaques, mais il veut s'opposer à la tendance réunionnaise à “voir le diable partout”. La quasi totalité des phénomènes de possession relève avant tout du domaine psychologique : “hallucinations visuelles et auditives”, “imaginations déréglées”. Le travail de l'exorciste consiste à convaincre les gens qu'ils ne sont pas possédés.
En janvier 1999, l'Eglise catholique a fait paraître un nouveau manuel de l'exorciste : De exorcismis et supplicationibus quibusquam (l'ancien datait de 1614). Position similaire à celle de l'évêque. Différence avec le Père Dijoux qui s'insurgeait contre les prêtres incrédules quant à la réalité des démons et de leur action. (220)
Ce processus de métaphorisation est à l'œuvre aussi dans l'affadissement et la folklorisation des certaines pratiques tradionnelles. Le kabar, le maloya… “laïcisés”. Une sécularisation de la fête.
Le syncrétisme des guérisseurs. Mme Visnelda.
Dans la mesure où la religion est une invention humaine, les P. refusent que leur foi soit assimilée à une religion. “Nous n'avons pas besoin d'une religion, mais nous avons besoin d'une relation avec le Christ vivant.” (226)

L'attitude pentecôtiste envers les traditions
Si le P. participe au dénigrement des croyances traditionnelles, il est loin de les vider de leur substance. Les entités surnaturelles existent bel et bien. Les sorts, les envoûtements, les possessions existent bel et bien, ce sont des réalités que l'on peut constater quotidiennement autour de soi, mais il s'agit uniquement de l'œuvre de Satan. (227)
La M. reconnaît la réalité des sorts où se manifestent les puissances diaboliques, mais elle mène une lutte sans merci contre les superstitions.
Le mode de pensée charismatique catholique, qui admet l'existence réelle des figures surnaturelles et de leur action dans le monde humain est très proche, sous cet aspect, du P. Tous deux refusent l'euphémisation du contenu religieux qui a cours dans les Eglises institutionnelles. (228)

Le P. vecteur de modernité ?
N'est-ce pas une caractéristiques majeure de tous les nouveaux mouvements religieux ? Alors que les religions avaient la prétention, jusqu'à l'avènement de la rationalité instrumentale, d'être les seules à fournir un système d'explication du monde, ces nouveaux mouvements acceptent la cohabitation avec la science et ses valeurs rationnelles, voire rationalistes, laissant la gestion du monde matériel perceptible aux sens communs, persuadés d'avoir la véritable explication, englobant toutes les dimensions de la réalité. En fait, au lieu de céder peu à peu du terrain au rationalisme […] les nouveaux mouvements religieux ont au contraire pris en compte ce paradigme pour en dépasser la mainmise hégémonique. (231)

Au plan économique, le rejet des dépenses tradionnelles peut s'interpréter comme l'abandon de conduites en perte de légitimité dans une société travaillée par la modernité.
De même, le P. favorise la famille moderne aux dépens de la famille étendue et du groupe ethnoculturel. Ainsi est amorti le choc de la déstructuration sociale lié à la modernisation qui laisse l'individu isolé, désemparé dans une société anomique aux réseaux de solidarité et d'appartenance en voie de désagrégation. (232)
Différence toutefois avec la modernité idéal-typique définie par les sociologues : Proche, par bien des aspects de la religiosité populaire, loin de participer au désenchantement du monde, il permet à ses adeptes de ne pas abandonner certains éléments des systèmes tradionnels, réinterprétés en conformité avec le message évangélique.
Bon nombre de créoles, confrontés au vide identitaire en ayant rompu avec leurs racines traditionnelles cherchent de nouveaux repères. (Cf. Willaime 1999 : 16, 22)
Une voie permettant de régler efficacement les problèmes de la relation des vivants aussi bien vis-à-vis des morts que de la mort. Déritualisation des rituels funéraires propre aux sociétés modernes (tout en soldant la dette vis-à-vis des défunts) avec conservation de la croyance en l'au-delà, échappant ainsi à la peur de la mort. (235)

Conclusion
Contexte culturel et contexte social favorable. Le P. en mettant à disposition des adeptes la puissance de l'Esprit-Saint pour une rupture symbolique avec les défunts : un atout majeur dans un paysage en train de se pluraliser, en étant à même de gérer les risques de troubles psychiques ou psychosomatiques résultant de l'abandon des traditions.
Abandon des croyances et réorientation des solidarités vers la communauté des chrétiens (convertis) ce qui permet d'échapper au désenchantement du monde.
Recrutement dans les milieux défavorisés.
Caractère émotionnel de l'expression religieuse.

Une troisième vague de “dons spirituels” : l'expression religieuse connaissant l'expansion planétaire la plus rapide. Dans les sociétés occidentales, résurgence du religieux sous d'autres formes. “Réenchantement du monde”. (244)



 RECHERCHER :