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anthropologie du droit
ethnographie malgache

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après

2- Barreaux (en construction)
architecture créole

3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)

4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)

5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)

6- Ethnographie d'une institution postcoloniale...


introduction : éléments d'analyse
présentation thématique
liste chronologique
La di la fé...


le 16 novembre 1992

UNIVERSITE DE LA REUNION
FACULTE DES LETTRES
ET DES SCIENCES HUMAINES
26 Avenue de la Victoire
97489 Saint-Denis Cedex
Tél. : 21-74-45
Télécopie : 41-34-63

B. C.
département d'Ethnologie

à

Mesdames et Messieurs
les Enseignants de la Faculté des Lettres


Chers Collègues,

Me trouvant alimenter le la di la fe universitaire, je dois quelques raisons à ceux de mes collègues que cela intéresserait. Je suis donc, déjà suffisamment embarrassé d'occuper la scène et d'être ce pelé, ce galeux qui, par sa maladresse ou par sa grossièreté, a pu proférer cette accusation, aussi inouïe qu'insensée : qu'il existait des plans de carrière à l'université.

Dans la situation, banale, d'avoir à préserver les intérêts du département dont je fais partie, je me trouve poser, en réalité bien malgré moi - je pourrais, ou laisser-faire ou transiger : je n'ai ni promotion à espérer ni sanction à redouter - des questions qui, si l'on en croit les réactions de vertu outragée qu'elles provoquent, sont pour le moins déplacées. Qu'on en juge.

1°) Dans une lettre, datée du 14 octobre 1992, je demandais au Doyen [N2] que l'attribution des crédits de recherche soit consécutive à une évaluation, objective et indépendante, des travaux des différents laboratoires de la Faculté. (Cette procédure est la règle dans toutes les universités et il existe d'ailleurs un Comité National d'Evaluation qui effectue ou supervise de telles opérations.)

2°) Dans une lettre au même (cette répétition visant une fonction ou l'interprétation d'une fonction et non, bien entendu, son titulaire), datée du 18 octobre 1992, je m'étonnais des conditions d'apparition d'un nouveau centre de recherche à la Faculté - dont la légitimité scientifique n'est d'ailleurs pas en cause - par simple annonce du Doyen et, à ma connaissance, sans autre forme de procès (vote ou consultation systématique). Je m'étonnais également (étonnement dont je n'ai pu faire part à la réunion du Conseil Scientifique du 16 octobre où fut annoncée la naissance en question puisque la nouvelle tombait dans notre boîte à lettre l'après-midi quand la réunion s'était tenue le matin) du fait que ce nouveau centre n'ayant, et pour cause, administré aucune preuve, se trouvait déjà bénéficier, sur ses seules intentions, de la totalité des crédits DAGIC [Coopération régionale] attribués à la Faculté.

3°) Dans une note remise aux collègues Directeurs de départements lors de la réunion de rentrée du 5 novembre, saisissant 1'opportunité d'une lettre du responsable du département de [...] à propos du déclassement dont il s'estimait victime, je m'étonnais d'un "Projet de développement des Sciences de l'Homme et de la Société" qui prévoyait, au bénéfice de [...], précisément, ni plus ni moins que la suppression du 3ème Cycle dans le département d'Ethnologie (26 étudiants inscrits en D.E.A. cette année et 9 thèses en cours). La déontologie universitaire exige-t-elle le consentement des victimes ? L'apostrophe aux plans de carrière [du département de ...], qui n'est qu'une réponse du berger à la bergère, est bien subsidiaire par rapport à la question de fond qui est ceci : "Qui décide, et selon quelles priorités des créations de poste à la Faculté des Lettres ? Où l'enseignant-chercheur de base – dont je suis – peut-il se tenir au courant des créations, des vacances et des prévisions ?"

A l'échelle de notre département, cette ignorance, qui nous est peut-être imputable s'il faut courir les antichambres pour être informé, vient de nous faire commettre un impair. Par une circulaire de M. [X], la DRED nous a fait savoir en juillet qu'elle souhaitait que les moniteurs que nous formions postulent, leur contrat achevé, à un emploi d'ATER (sur recrutement ou sur les emplois disponibles de notre dotation). Il aurait fallu savoir, en temps utile, que de tels postes d'ATER existaient à la Faculté des Lettres. Ce que je viens d'apprendre, précisément, à propos de la circulaire en cause, par un coup de téléphone de notre collègue [X]. Malheureusement, comme disait BOKASSA pour se défendre des morts que faisaient ses camps de détention : "Quand on vient me prévenir d'un décès, il est parfois trop tard". La monitrice qui avait postulé et qui aurait pu bénéficier de cette mesure a déjà fait ses valises et d'autres... plans de carrière.

A l'échelle du D.E.A. de Lettres et Sciences sociales (où l'Anthropologie constitue une des quatre options), comment ne pas déplorer l'ignorance dans laquelle ont été tenus les quatre membres du Conseil Scientifique d'une information, communiquée dès juillet, qui, même si elle n'était qu'officieuse, est capitale pour l'organisation des études et la continuité du D.E.A.: la possibilité, annoncée par le Conseiller d'Etablissement, d'ouvrir un deuxième D.E.A. à la Faculté des Lettres (qui aurait pu consister, d'ailleurs, dans le rétablissement du D.E.A. d'Anthropologie qui existait depuis 1985). Comment expliquer la rétention (sélective) de cette information, révélée au cours d'un conseil scientifique la veille de la réunion que le directoire du D.E.A. devait tenir pour renouveler la demande d'habilitation ? "Secret des dieux ! " a-t-il alors été fait remarquer... Pareillement, la tranquille assurance de ceux qui avancent des projets oraculaires paraît se conforter de promesses venues d'en-haut.

Voilà pour le fond (et il faut bien reconnaÎtre que si l'on peut faire cas de lacunes dans la communication, c'est, finalement,, que tout ne va pas si mal). Maintenant, la forme.

Pour espérer se faire entendre et faire briller sa cause, un minimum d'emphase, quelques coups de colère (vraie ou feinte) et un peu de jactance sont indispensables. Il y a évidemment de l'injustice dans ces simplifications. Je suis moi-même le contraire d'un saint (Dieu merci!) et je ne fais ici, je le répète, que défendre les intérêts du département auquel j'appartiens. J'admets aussi, bien volontiers, l'imperfection de ma critique puisqu'une note du Doyen du 23 novembre 1991 désignait déjà la difficulté que je soulève en demandant, à propos de l'attribution des, crédits de recherche, qu'on ne "(1ui) laisse pas seul "la responsabilité de choix" qui pourraient paraître arbitraires".

Il m'a donc été conseillé, eu égard aux excès - partagés - de la polémique, de ne pas répondre à la lettre [document précédent] que notre Doyen a adressé aux enseignants de la Faculté en réaction à ma prise de position contre des plans de carrière dont l'appétit menaçait notre 3ème Cycle d'Anthropologie, et de la laisser expirer de sa propre enflure. Quoi ! le Doyen n'est-il pas, comme son nom l'indique, notre père à tous et ne doit-il pas nous protéger de nous-mêmes ? N'est-ce pas là ce que fait entendre cette antique éloquence patriarcale?... Je n'ai pas suivi ce sage conseil. J'ai pris soin, toutefois, de laisser courir deux semaines avant de répondre (en Afrique du Nord, c'est au terme des trois jours pendant lesquels "bouillonne le sang" que la civilité est supposée reprendre ses droits).

Me sera-t-il d'abord permis de rappeler, pour la justesse du débat, que "faire antichambre" est exactement le contraire de "courir les antichambres", que le propre de ceux qui courent les antichambres, c'est précisément de ne jamais faire antichambre, situation qui est le lot commun ? Et que la réponse officielle au projet en cause ne fut pas différente, me dit-on, à la langue de bois près, du jugement "diffamatoire", qui ne m'est d'ailleurs pas propre, dont j'ai fait état ?

Ce que je voudrais tout de même remarquer, sans m'en formaliser s'il y a là une donnée anthropologique, c'est que la mise au ban (relative) qui me vise (anonymement) n'est pas sans rapport avec la question que, bien maladroitement sans doute, je m'emploie à agiter.

Quand je suis arrivé à l'Université de La Réunion, il m'a été généreusement demandé de participer au colloque sur l'insularité. J'ai répondu qu'avec la meilleure volonté du monde, je ne voyais vraiment rien à dire sur le sujet. Ma réponse serait tout autre aujourd'hui.

Tout ministre de l'Intérieur a dans ses tiroirs de pseudo-complots contre la souveraineté nationale qui s'avèrent fort utiles en situation de crise, car ils permettent de détourner les questions et de refaire l'unanimité. Tel ce sermon en forme de parapluie auquel j'aurais préféré ne pas répondre (savoir qu'il y a au-dessus d'elles une autorité ferme et juste, n'est-ce pas la principale sécurité des créatures ? ) qui est le prolongement de deux répliques que je me suis entendu opposer après avoir rappelé qu'en métropole les laboratoires étaient évalués et que nous aurions tort de nous singulariser, répliques qui, même pondérées par les circonstances, valent leur pesant d'insularité: "Tu viens de Paris" (sic) et "Tu nous prends pour des c... !"...

Moins métaphysique, un collègue a fait valoir les difficultés techniques d'une telle évaluation. En réalité, l'évaluation est régulièrement pratiquée pour l'habilitation des D.E.A.: le laboratoire d'accueil du D.E.A. est alors soumis à une expertise par les Services de la DRED.

[...]

Puisque ce sont des plans de carrière qui ont fait perdre contenance - quoi de moins illégitime, pourtant, qu'un plan de carrière? - et puisque l'insularité m'y renvoie, après m'être excusé de la vaine prétention qu'il y a à parler de soi, j'évoquerai le mien, ou la suite de hasards (parfois heureux) qui m'en tient lieu. Ainsi que je l'ai déjà dit et écrit, je suis convaincu qu'on peut faire de la recherche à l'Université de La Réunion dans toutes les disciplines comme partout ailleurs, mais je suis aussi convaincu qu'on peut y faire de la recherche en Anthropologie comme nulle part ailleurs. S'il s'avère illusoire d'espérer une organisation rationnelle des moyens, comme mon prédécesseur au poste que j'occupe, spécialiste internationalement reconnu de l'Océan Indien, je passerai la main. [...]

Mais je n'ai nullement l'intention de renoncer alors que notre engagement dans la recherche est objectivement démontré par le bilan à mi-parcours du plan quadriennal qui est aujourd'hui demandé aux laboratoires (trois thèses de doctorat soutenues ; cinq ouvrages publiés ; cinq en publication ; un dictionnaire en sept volumes en collaboration ; vingt-sept articles dans des revues spécialisées ; huit films et vidéos ; treize communications dans des colloques spécialisés) et, s'il était besoin, par notre part relative., comparée à celle des autres départements, des maîtrises soutenues (cinq fois plus en moyenne pour un effectif étudiant cinq fois moindre). J'ajouterai que l'université de La Réunion., outre sa proximité du "terrain", offre des possibilités, avec son Institut de Linguistique et d'Anthropologie, qu'aucune université de métropole n'est en mesure de proposer. Des outils adaptés, une position stratégique et géopolitique incomparable pour la diffusion de la recherche de langue française dans l'0céan Indien, et pourtant, faute de moyens, nous sommes condamnés à ronger notre frein. En 1994, se tiendra en Inde un important congrès international sur l'Océan Indien. Nos voisins, Madagascar, Maurice, les Comores, y seront représentés. Et nous ne serons même pas en mesure d'y figurer dignement.

En vous priant de bien vouloir m'excuser pour vous avoir fait sottement perdre votre temps, je vous prie de croire, Chers Collègues, à l'expression de mes sentiments cordiaux et dévoués.


B. C.

Pièce jointe:

Copie de la lettre du Doyen [N3], en date du 7 novembre 1992, à Mesdames et Messieurs les enseignants de la Faculté des Lettres.






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