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anthropologie du droit
ethnographie malgache

présentation
3 Éléments d'Ethnographie Réunionnaise
Mots clés : Créolité Ancestralité Citoyenneté Départementalisation Patrimoine
Champs : Anthropologie du développement Anthropologie de l'image Patrimoine
Sociétés créoles Histoire postcoloniale Sociologie des institutions


1- Vingt ans après

2- Barreaux (en construction)
architecture créole

3- "Types de la Réunion" (en construction)
(don à la Société de Géographie du 6 novembre 1885)

4- Ancestralité, communauté, citoyenneté :
les sociétés créoles dans la mondialisation (dossier pédagogique)

5- Madagascar-Réunion :
l'ancestralité (dossier pédagogique)

6- Ethnographie d'une institution postcoloniale...


introduction : éléments d'analyse
présentation thématique
liste chronologique

Un collègue bridé par l'étroitesse de ses pairs...


le 22 juillet 1997


B. C.

à

[N14]


[Cher Collègue],


Ayant relu plusieurs fois le dernier courrier que tu viens de nous adresser (daté du 19 juillet) et dont je t’ai dit de vive voix, alors que je venais d’en prendre connaissance, ne pas saisir grand chose, il me paraît utile, avant le retour de nos collègues qui, je l’espère, seront plus fins que moi, de te demander quelques éclaircissements.

- Faut-il comprendre que tu quittes le C.A.G. à partir du 1er janvier 1998 (“ne pas m’inclure dans la configuration du C.A.G.”) ?
- Faut-il comprendre que tu vas créer un nouveau Centre de recherche qui fédérerait les chercheurs en Sciences de l’éducation ?
- Faut-il comprendre, enfin, que tu passes désormais en 70° section à qui s’adresse aussi ton courrier ?

Étant bien entendu que tu es libre de faire ce qui te plaît et qui te paraît répondre à tes intérêts (que personne, à ma connaissance, ne te retiendra et que rien ne t’oblige à émarger au C.A.G.), je crois devoir te faire part de quelques remarques.

Formelles, d’abord, mais révélatrices, me semble-t-il, du fond.
- “J’ai donc accepté l’idée, écris-tu, [...] d’étudier la possibilité de créer une nouvelle équipe qui reprendrait... etc.”
- “Nous n’en sommes pas bien entendu au stade, dis-tu encore modestement, de proposer à l’ensemble des chercheurs de ce programme de me rejoindre sur les thématiques nouvelles... etc”.
Ce “j’ai donc accepté” et ce “me rejoindre”, excuse-moi, font, entre autres tours presque aussi discrets, un peu boursouflé, et laissent bien malencontreusement apparaître [...] ce qu’il est convenu d’appeler “l’oreille de l’âne sous la peau du lion”. Je crains pour ton image qu’une telle inflammation ou infatuation ne dénoncent au lecteur le moins attentif ou bien une grande souffrance ou bien un besoin de reconnaissance grandement insatisfait. Car tu n’es pas encore, me semble-t-il – même si cela ne saurait tarder –, dans la position d’un Montagner (par exemple) dont la recherche américaine sur le SIDA vient de s’attacher les services ou d’un phare dont les lumières attireraient à distance les malheureux chercheurs en manque de clarté et qui consentirait magnanimement à prendre leur déréliction en charge...

Derrière tout cela, qui est anecdotique, et sans faire référence aux contradictions que ces alliances d’aujourd’hui – pour autant que je comprenne – manifestent par rapport aux positions que tu as affichées dans le passé, il y a une question qui se posera inévitablement. Si tu estimes utile à ton crédit scientifique de prendre la tête de cette armée de Bazaine dont tu jugeais hier les lieutenants infréquentables et qui se trouveraient tout à coup devenir des chercheurs par le seul contact de ton génie, soit. Mais ton projet de déménager en emportant les meubles du département d'ethnologie ne peut laisser tes collègues indifférents.

Car il est bien difficile d’essayer de faire de la recherche à la Réunion sans rencontrer ce thème de la construction identitaire, du patrimoine et de l’ethnicité dont tu as l’air de faire un monopole. Moi-même, pour une bien modeste part, je m’y suis mis et je compte persévérer. Ce qui signifie qu’il n’est pas possible de laisser ce fonds au gouvernement d’un seul. Tu fais opportunément référence, pour une autre raison, à ma lettre de décembre dernier qui soulevait déjà cette question. Un intérêt de la démarche annoncée par ton courrier est qu’elle va nous permettre de traiter de front ce problème qui est pendant depuis l’origine et que j’avais laissé tel parce que j’estimais que ton activité dans ce domaine avait pour premier mérite d’occuper le terrain et de ne pas laisser le champ libre aux margoulins toujours prêts à proposer leurs services dès que les institutions locales déboursent. Maintenant que nous sommes un certain nombre à travailler sur ces sujets, ces considérations tactiques tombent et une évaluation scientifique s’impose.

Sauf à diviser les crédits, comme c’est l’usage en cette île de flibuste, en autant de parts qu’il y a de têtes de pipes, si donc tu restes dans la mouvance de la 20° section, il faudra des arbitrages et je pense que tu accepteras qu’un expert indépendant connaissant la Réunion - ce pourrait être [X] par exemple – opère, en un tel cas de figure, un classement des projets qui se trouveraient en concurrence pour l’obtention des crédits des institutions locales. Car tu admettras, j’imagine, qu’il ne suffit pas, même si on le croit, de noircir du papier et d’aligner les mots les uns après les autres en espérant qu’au bout du compte ça finira bien par vouloir dire quelque chose pour produire quoi que ce soit qui vaille. J’ai l’impression que la fréquentation des officiels (ou ce qui en tient lieu à la Réunion) t’est montée à la tête et que leur enflure contagieuse a fini par te faire croire à la puissance magique de langue de bois, qu’il suffit de dire pour faire et de palabrer pour expliquer...

Sous ce titre des identités et de l’insertion sociale, tu n’es pas sans savoir que [les autres membres du département d'Ethnologie] développent des recherches dont on ne voit vraiment pas pourquoi elles ne devraient pas bénéficier des crédits appropriés. Comme je doute que ton magistère, si œcuménique soit-il, puisse les abriter, il faudra bien leur donner une “visibilité” (si tu me permets cette concurrence). Nous accueillerons à la rentrée un jeune réunionnais agrégé de Sociologie qui vient faire sa thèse dans le département d’Ethnologie et qui bénéficiera d’une allocation de recherche. Son sujet de thèse étant la formation professionnelle et l’insertion (il a fait son D.E.A. sur le Centre de formation des apprentis DAMASE-LEGROS), on ne voit pas pourquoi il ne lui serait pas possible d’apparaître au C.A.G. sous cette thématique. (Cette recrue étant pour le moins aussi digne de considération que celles que vient de faire une Commission de spécialistes composée dans un couloir et dont le président auto-proclamé se signale par l’abondance de ses productions scientifiques sur la science de l’éducation... et sur l’identité.) Pour ma part, militant, à la base certes, dans deux associations réunionnaises ayant l’identité et la mémoire pour thème, ayant le projet d’un groupe de travail sur le journal de Lescouble (dont je viens d’assurer le traitement informatique), travaillant actuellement à plusieurs articles sur la description ethnologique dans le roman colonial réunionnais (je viens de terminer un texte sur le Miracle de la race) et sur la départementalisation et ayant réalisé plusieurs centaines de diapositives sur l’architecture créole (que j’espère exploiter), je compte bien apparaître, en seconde ligne mais si besoin en première, parmi ceux qui contribuent, pour une part, à ces recherches.

Deux questions incidentes pour finir.

Je n’avais pas remarqué, contrairement à ce que tu as l’air de présenter comme une évidence, que la psychologie caractérisait à elle seule (“seule et unique voie”) ce qui se faisait au C.A.G. et j’avoue n’avoir gardé aucun souvenir de ta lettre du 8 octobre au Doyen et aux membres du Conseil scientifique à ce sujet “dénon[çant]” cette dérive. Sinon, je n’aurais pas manqué de relever cette affirmation (probablement due à un égarement passionnel).

De ton dossier du 3 juillet au Doyen à propos du flottement dans les appellations, il ressort – confusément mais vraisemblablement – que tu souhaiterais voir ton nom apparaître chaque fois qu’il est question de notre Équipe d’Accueil. Je crois t’avoir déjà dit que si cela t’ajoutait quelque chose, moi ça ne me retirait rien. C’est Mme [X] qui, à plusieurs reprises et excipant de je ne sais quel texte, paraît y avoir fait obstacle... Tu fais toutefois une erreur d’appréciation quand tu demandes au Doyen (qui n’a ici qu’une fonction d’enregistrement) d’effectuer des rectifications qui relèvent du vote des membres du Département. Comme les dossiers de renouvellement de l’habilitation des Équipes d’Accueil sont en cours d’instruction, il suffira de mettre la question aux voix.

Bien cordialement,


B. C.


copie aux membres du département d'Ethnologie


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